Lire, aujourd’hui, les textes sacrés
Paris Notre-Dame du 16 novembre 2017
Le 5 décembre, un débat en présence du rabbin Delphine Horvilleur, de l’islamologue Rachid Benzine et du P. Éric Morin, docteur en théologie, se tiendra au Collège des Bernardins. Le sujet : Les textes fondateurs, parole historique ou vivante ? Décryptage.
Dans une société plongée dans une crise protéiforme et durable, la tentation du repli communautaire existe. Elle est souvent guidée par une peur : la peur de l’autre qui ébranle des convictions. Au sein des différentes religions, certains semblent d’ailleurs s’accrocher, telles des moules à leur rocher, à leur « identité ». À les entendre, il faudrait les défendre, coûte que coûte, avec pour étendard qui de sa Torah, qui de son Coran, qui de sa Bible. « J’ai raison, la preuve : c’est écrit dans mon Livre ! », entend-on murmurer. Mais les Écritures saintes ont-elles vocation à brandir une vérité ? Les textes fondateurs sont-ils une parole historique ou vivante ? Et alors, comment inscrire l’expérience du sacré dans l’Histoire sans la relativiser ? L’interpréter sans la trahir ? Voilà les questions que trois figures contemporaines inspirantes, le rabbin Delphine Horvilleur, l’islamo¬logue Rachid Benzine, et le directeur des cours publics de l’École Cathédrale, le P. Éric Morin, aborderont lors d’un débat [1], le 5 décembre prochain, au Collège des Bernardins.
« La question sous-jacente de ce débat est la place des textes dans nos différentes traditions religieuses, présente le P. Morin. La façon dont chacun est capable de s’en saisir. » Car, « la toute première chose que fait Moïse quand il descend de la montagne, c’est de briser les tables de la Loi, rappelle Delphine Horvilleur dans son dernier ouvrage passionnant co-écrit avec Rachid Benzine, Des mille et une façons d’être juif ou musulman [2]. C’est le tout premier refus de l’idolâtrie et un enseignement puissant. Ce qui est écrit peut être cassé, doit même l’être : c’est la sacralité du message qui est conservée, non celle du support. »
Ainsi, le texte sacré ne serait pas à prendre à la lettre comme le sous-entendent les fondamentalistes. Il est écrit pour être lu par un lecteur libre et éclairé par sa relation à Dieu, par l’Esprit Saint chez les catholiques. « La lecture de la Bible n’est pas faite pour détenir une vérité, précise ainsi le P. Morin. Chaque page est un appel de Dieu. » Il ajoute : « La Bible est une grande parabole. » Elle est destinée à faire comprendre l’enseignement de Dieu. Estimant que le concile Vatican II a permis de « remettre la Bible entre les mains du peuple de Dieu », il invite aujourd’hui les fidèles à lire de manière « savoureuse et simple » les Écritures et ce, « un quart d’heure par jour minimum ». Non pas pour essayer de détenir une vérité mais bien pour tenter de saisir le regard que Dieu porte sur le monde. De toute façon, « quand on est persuadé de détenir la vérité, on a quitté le voyage spirituel, rappelle Delphine Horvilleur. La sédentarisation des convictions n’est pas compatible avec ce voyage qui est toujours une forme d’incomplétude, un chemin, une instabilité. » Autrement dit, quand on prétend savoir, on arrête de croire.
Isabelle Demangeat
[1] Le 5 décembre, à 20h, dans le cadre des Mardis des Bernardins. Tarif plein : 6€.
[2] Rachid Benzine, Delphine Horvilleur, Des mille et une façons d’être juif ou musulman, dialogue, Seuil, octobre 2017.