Mgr Emmanuel Tois, nouvel évêque auxiliaire
Paris Notre-Dame du 19 octobre 2023
Mgr Emmanuel Tois a été nommé, ce mardi 17 octobre, évêque auxiliaire de Paris. Son ordination épiscopale aura lieu le 17 novembre, à 18h, à St-Sulpice. Rencontre.
Propos recueillis par Charlotte Reynaud
Paris Notre-Dame – Monseigneur, comment avez-vous accueilli cette nomination ?
Mgr Emmanuel Tois – Il y a un vrai paradoxe. Ce serait mentir d’affirmer que je ne m’attendais pas, depuis le départ de Mgr Thibaut Verny, à la nomination d’un second évêque auxiliaire pour Paris ; mais lorsque je m’interrogeais – ou que d’autres me posaient la question – sur la possibilité que je sois choisi, je me disais toujours, au regard de ce que je vois de mon parcours et de mes aptitudes : « Non, sois tranquille, ce ne sera pas toi. » La surprise a donc été réelle ! J’ai accueilli cette nomination avec beaucoup de gravité, un peu d’appréhension même, mais aussi dans la confiance en ces regards croisés, posés sur moi et sur ma vie pastorale, et, bien entendu, dans l’Espérance.
P. N.-D. – Quelle sera votre devise épiscopale ?
E. T. – J’ai choisi ce verset de la première lettre de saint Pierre apôtre : « Rendre raison de l’Espérance » [1P, 3, 15], à resituer dans un passage plus large que je trouve très beau : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’Espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. » [1P, 3, 15-16]. J’aime beaucoup l’idée de « rendre raison de l’Espérance » ; depuis tout petit, et c’est vraiment un cadeau du Seigneur, ma foi est ferme dans la promesse de Dieu de nous offrir la vie éternelle. Cette foi nourrit profondément l’Espérance et j’ai à cœur d’en rendre raison. Mais la méthode préconisée par Pierre, « avec douceur et respect », est également très importante, pour moi, dans notre rapport au monde d’aujourd’hui, dans la manière dont on annonce l’Évangile à des gens qui ne partagent pas cette foi, ne croient pas en Dieu, ou même y sont hostiles.
P. N.-D. – Comment envisagez-vous le rôle d’un évêque, et tout particulièrement d’un évêque auxiliaire ?
E. T. – Je prie beaucoup pour demander au Seigneur sa grâce, une grâce de prise de conscience du rôle de l’évêque. Dans mon quotidien, ma vie ne va pas beaucoup changer : je vais avoir quelques réunions en plus, participer aux Assemblées plénières et probablement ordonner, en septembre prochain, des diacres en vue du sacerdoce. Un premier écueil consisterait à se dire que les changements seront minimes, d’un point de vue fonctionnel. Or, sacramentalement, tout change. Je vais recevoir le dernier degré du sacrement de l’ordre, être adjoint au collège des évêques, successeurs des apôtres, et participer ainsi, à ma petite mesure, à la mission universelle que remplit ce collège sous l’autorité du pape François, successeur de Pierre. Aussi, je demande instamment au Seigneur la grâce d’être pénétré de ce mystère de l’adjonction au collège épiscopal. Mais je garde confiance ; mes appréhensions, lors des deux ordinations précédentes, ont été très largement comblées par la grâce reçue. Être évêque auxiliaire – et je le médite dans ma prière ces jours-ci – souligne la force de la promesse d’obéissance. J’ai promis deux fois, quand je suis devenu diacre et prêtre, obéissance à l’évêque qui m’a ordonné et à ses successeurs, selon la formule rituelle. Je suis très heureux, dans cette nouvelle configuration, de me mettre au service des orientations pastorales de l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich ; d’être serviteur de ses trois charges – que je vais recevoir aussi en propre – d’enseignement, de sanctification et de gouvernement.
P. N.-D. – Quelles sont, selon vous, les joies et difficultés d’un évêque d’aujourd’hui ?
E. T. – Comme le dit souvent le Saint-Père, nous ne vivons pas une époque de changement, mais un changement d’époque. Les bouleversements sont multiples, que ce soit dans notre rapport aux prêtres, aux jeunes, au monde, et engendrent bien des difficultés et des défis, c’est certain ; mais j’y vois aussi beaucoup de choses nouvelles à assainir, à inventer et, surtout, à recevoir de Dieu sur la manière de faire ! C’est là mon espérance.
Ces dernières années, l’Église a traversé la crise des abus, et on voit bien combien le rapport au prêtre est plus difficile aujourd’hui. Mais je vois aussi, dans cette méfiance vis-à-vis d’une toute puissance ou d’une confiance sans borne, un grand assainissement, et la possibilité, peut-être même la promesse, d’une meilleure articulation entre prêtres et baptisés. Je suis, depuis le départ de Mgr Thibault Verny, chargé de la prévention et de la gestion des abus pour le diocèse de Paris. Je veux poursuivre le travail engagé d’étroite collaboration avec la justice, par un protocole signé depuis quelques années déjà, et d’écoute des personnes victimes. Je suis aussi convaincu qu’il y a un autre travail à mener, dans la prise en charge des prêtres mis en cause : abandonner un prêtre à lui-même, s’en laver les mains, c’est aussi une manière de se couvrir, en tant qu’institution. Il est difficile d’être à la fois père, frère et ami, mais c’est un défi qui peut, qui doit, être relevé…
P. N.-D. : Votre parcours est particulier, puisque vous avez été juge avant d’être prêtre…
E. T. – Ce métier, que j’ai exercé pendant seize années, m’a donné la capacité d’entendre des choses difficiles, d’être médiateur dans des situations conflictuelles et aussi d’expliquer, en la motivant, une décision. Dans les différentes fonctions d’enseignement d’un évêque, dans son rapport au monde, aux fidèles et aux prêtres, il y a une nécessité absolue de savoir écouter, de prendre le temps, et même de réformer nos processus – par exemple dans l’accompagnement des prêtres – s’ils ne nous donnent pas assez de temps. C’est quelque chose que je porte vraiment dans mon cœur, une conviction profonde : on ne peut pas prendre soin des personnes – et je pense particulièrement aux prêtres avec cette nouvelle charge d’évêque – si on leur donne l’impression que leur parole n’a aucun poids, que tout a été décidé d’avance. Le temps donné, et peut-être surtout celui à ne rien dire mais à écouter, n’est jamais du temps perdu.
P. N.-D. – Quel message adressez-vous aux Parisiens ?
E. T. – Je veux d’abord leur dire merci. Il y a vingt-cinq ans, j’ai quitté la Bretagne pour vivre à Paris ; j’y ai été façonné comme chrétien, puis comme séminariste, envoyé dans des communautés très différentes, et enfin comme prêtre. Les Parisiens, j’aime cette expression, m’ont enfanté comme prêtre. Je voudrais leur dire aussi, comme c’est le cas depuis que je suis vicaire général, que je vais continuer à réciter le chapelet tous les jours pour eux, et les confier à Notre Dame. S’ils me font cette amitié, je suis très preneur de leurs prières.
– Lire la biographie et voir l’interview vidéo de Mgr Emmanuel Tois.
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