« Montrer l’unité du christianisme oriental, dans sa diversité »
Paris Notre-Dame du 26 août 2021
Nommée présidente-directrice du musée du Louvre à compter du 1er septembre, Laurence des Cars annonçait en mai, sur France Inter, la création d’un neuvième département consacré à Byzance et au christianisme oriental. Éclairage, avec Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine et chargé de mission pour l’Œuvre d’Orient.
Paris Notre-Dame – Comment avez-vous accueilli cette annonce ?
Charles Personnaz – C’est une grande satisfaction de voir ce projet assez ancien saisi aujourd’hui par Laurence des Cars. Actuellement conservées dans diverses sections du Louvre, les collections relatives à Byzance et au christianisme oriental devraient donc être réunies dans un même département. L’objectif étant de pouvoir donner des repères au public, français et international, en rattachant tous ces objets (par exemple, la plaque d’argent de saint Siméon le Stylite) à la civilisation qui les a vus naître. Il est vrai que les événements qui ont touché le Moyen-Orient ces dernières années – les destructions de patrimoine dues aux guerres, mais aussi l’urbanisation et la pression démographique croissantes –, ont renforcé ce besoin.
P. N.-D. – Quel est l’intérêt d’un tel département ? N’est-ce pas accentuer une séparation des cultures et des religions ?
C. P. – Au sein du musée du Louvre, un département a son propre conservateur. Il produit un effort de recherche, publie, inventorie. Il est à la tête des réseaux des musées et collections présents sur le territoire national. On peut donc espérer que ce département favorise la recherche autour des arts du christianisme oriental. Il pourrait aussi permettre à des communautés orientales de déposer des œuvres au Louvre (un manuscrit, une icône…) et ainsi les faire participer à la divulgation de leur patrimoine. L’idée est bien de mettre en valeur la spécificité d’une ère culturelle qui se nourrit de la rencontre entre l’art byzantin et des expressions régionales géographiques : l’art de l’Afrique en Éthiopie, celui du Caucase en Arménie, celui de la civilisation syriaque au Proche-Orient, du monde slave en Russie et en Ukraine… Ce qui est intéressant justement, c’est de montrer l’unité de ce christianisme oriental, et en même temps, sa grande diversité : on trouve des cousinages entre une icône éthiopienne et la Vierge russe de Vladimir, mais aussi de très forts particularismes.
P. N.-D. – Dans votre rapport commandé par le président de la République en 2019 [1], vous préconisiez déjà cette valorisation des collections chrétiennes orientales. Quelles sont les suites de ce rapport ?
C. P. – Outre la sauvegarde du patrimoine chrétien au Moyen-Orient, ce rapport émet des propositions concernant le réseau éducatif francophone et chrétien. Parmi ces dernières, la mise en place d’un fonds, créé conjointement avec l’État français et l’Œuvre d’Orient en janvier 2020. Grâce à ce fonds, quelque 140 écoles, dont plus de 100 au Liban, ont pu être soutenues en 2020 et en 2021. La prochaine étape serait d’arriver à attirer de nouveaux partenaires, privés ou publics. Ces écoles chrétiennes francophones au Moyen- Orient (400 000 élèves scolarisés, chrétiens et musulmans confondus) sont fondamentales pour la préparation de l’avenir dans la région, car elles font coexister des personnes de diverses communautés autour de principes partagés, pour la construction de sociétés pacifiques.
Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur
[1] Charles Personnaz a présenté, le 3 janvier 2019, à la demande d’Emmanuel Macron, trente-cinq propositions sur les moyens de renforcer l’action de la France dans la protection du patrimoine et du réseau éducatif chrétien au Moyen-Orient.
Sommaire
Consulter ce numéro
Acheter ce numéro 1 € en ligne sur les applications iOs et Android