« Notre cri est celui de Dieu »
Paris Notre-Dame du 19 octobre 2017
« Faites entendre votre cri » avait lancé le pape François aux jeunes, en janvier, en présentant le synode sur les jeunes et les vocations. Certains jeunes l’ont écouté, les 14 et 15 octobre, à l’occasion de l’événement Jeunes en paroisse. Ils ont exprimé leurs attentes. Reportage.
Compliqué de les entendre, ces jeunes de la Compagnie des laveurs de pieds, réunis sans micro, dimanche 15 octobre, sur les marches qui mènent à la basilique du Sacré-Cœur (18e). Le brouhaha de la traditionnelle Fête des vendanges de Montmartre, la Macarena de ce musicien, guitare en main et grosse sono à ses côtés, les discussions des centaines de badauds rosis par un soleil vif d’automne et quelques belles gorgées de vin, couvrent leur voix. Mais pourtant, ils ne se laissent pas impressionner et persistent. Ils ouvrent plus grand leur bouche pour « chanter la louange [de Dieu] », lèvent les mains, et vont même jusqu’à inviter le passant à se joindre à eux. Ce week-end Jeunes en paroisse, c’est leur week-end. Durant ces deux jours, le diocèse de Paris les a invités à investir les parvis de leurs églises, à faire connaître leurs activités, à « faire entendre leur cri », à l’instar de l’invitation que le pape leur avait lancée, en janvier dernier, dans une lettre écrite pour présenter le document préparatoire du synode des évêques sur les jeunes et les vocations, qui se déroulera en octobre 2018, à Rome. Alors, cette vingtaine de « laveurs de pieds » ne se fait pas prier. Elle chante, le plus fort possible, l’amour de Dieu ; présente à l’ambon, dans la basilique, ses actions : maraudes, lectio divina, missions d’évangélisation ; et exprime, avec un large sourire, ses attentes et ses désirs.
« Personnellement, j’aimerais que l’on mette davantage l’accent sur la Parole de Dieu dans nos églises, notamment dans les missions d’évangélisation, confie ainsi Justin, assistant juridique de 26 ans. Car là se situe l’essentiel, la vie de tout chrétien, la vie de tout homme finalement. Le monde doit sortir de la tentation du matérialisme. » Pour cela, « il faudrait que les prêtres n’aient pas peur de donner les moyens aux laïcs, notamment aux jeunes, de parler du Christ, explique Alex, un ingénieur logistique de 34 ans. Il y a beaucoup trop de jeunes catholiques consommateurs. » « En France, nous sommes un peu tièdes », abonde Lydie. Cette trentenaire qui travaille dans les assurances a un message à délivrer à l’Église : « Je voudrais reprendre les paroles du pape : “Sortez de votre canapé” et annoncez le Christ au monde. » Pourquoi ? « Pour que d’autres puissent ressentir la joie, ma joie, de connaître Dieu. »
À quelques kilomètres de là, à St-Ignace (6e) où 120 jeunes se réunissaient pour un week-end du réseau de jeunesse ignacienne (réseau Magis), le message est quasi identique. Les yeux un peu fatigués, Clémence, une professeure des écoles de 24 ans venue de Pau (Pyrénées-Atlantiques) lâche, après un bref instant de réflexion : « Je voudrais dire à l’Église et au monde que Jésus les aime ». « Et moi, inviter l’Église à être plus en cohérence entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait, ajoute Calixte. Par exemple, en ce qui concerne l’accueil des migrants. »
« Ce n’est pas notre cri que l’on veut faire retentir, analyse, à Montmartre, une jeune “laveuse de pieds” , en tendant une “parole de Dieu” à piocher dans un petit panier en osier. Mais c’est le cri de Dieu. Ce cri qui nous dit à chacun “tu as du prix à mes yeux, et je t’aime” », précise-t-elle, en disparaissant dans la foule, sans même donner son prénom. Le brouhaha n’a pas cessé. L’agitation non plus. Mais, même s’il n’a pas été tonitruant, le cri des jeunes a retenti.
Isabelle Demangeat