« Notre-Dame doit rester un lieu vivant »
Paris Notre-Dame du 16 décembre 2021
Le programme d’aménagement intérieur de la cathédrale Notre-Dame porté par le diocèse de Paris a été examiné le 9 décembre par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, et validé dans ses grandes lignes. Coordinateur de ce projet qui suit son cours sous l’autorité de Mgr Georges Pontier, administrateur apostolique et représenté par Mgr Éric Aumonier pour le suivi du chantier, le P. Gilles Drouin en explique le contenu.
Paris Notre-Dame – Que retenir de l’examen de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture ?
P. Gilles Drouin – Les quatre grands principes de notre projet ont été validés : l’axe liturgique, la mise en lumière, le chemin catéchuménal et l’ouverture à l’art d’aujourd’hui. C’est une base solide. Maintenant, beaucoup reste à faire pour incarner ces principes et retravailler certains points, comme le projet de bancs amovibles équipés de lumignons, dont nous devons revoir le design.
P. N.-D. – Pouvez-vous détailler le projet ?
G. D. – L’entrée dans la cathédrale se fera par le portail central (et non par le portail sud comme c’était le cas avant l’incendie), afin que l’on puisse être saisi par l’axe liturgique, dès le parvis : l’allée centrale de la nef, jusqu’à la croix du chœur de Marc Couturier, ponctuée d’un baptistère, de nouveaux ambon, autel et tabernacle – dont la commande sera du ressort de l’archevêque de Paris. Cet axe liturgique est le signe de notre vie chrétienne, centrée sur l’eucharistie, prenant sa source dans le baptême et nourrie par la Parole. Il définit, dès l’entrée, où nous sommes : la cathédrale du diocèse, église-mère, siège de l’évêque, faite pour célébrer la liturgie, rassembler le peuple de Dieu, enseigner la Bonne Nouvelle, chanter la gloire de Dieu. Un espace de prière près du tabernacle, un autre près de la relique de la Couronne d’épines, et deux chapelles de confession sont prévus – les fidèles retrouveront en outre les lieux de dévotion déjà existants comme la Vierge à l’Enfant dite « du pilier », ou les chapelles de N.-D. de Guadalupe et de la Sainte-Enfance. Nous prévoyons ensuite un parcours « catéchuménal » pour accueillir pleinement les douze millions de visiteurs annuels, qui leur permette de plonger dans le mystère de la foi. Il est essentiel de s’adresser à eux dans une dimension missionnaire. Ils pourront progresser du flanc nord au flanc sud de la cathédrale en passant le long des chapelles latérales de la nef (certaines d’entre elles étant, avant l’incendie, dévolues aux usages du quotidien). Le parcours évoluera par le déambulatoire et les chapelles du chœur, évoquant, du nord au sud, la Genèse, la promesse du Salut, la Passion (avec l’exposition de la Couronne d’épines) et la résurrection du Christ, jusqu’aux grands axes de la vie chrétienne : charité, mystique, mission... Ce parcours permettra aussi d’améliorer la présentation des œuvres d’art de la cathédrale que l’on retrouvera toutes, avec plus de cohérence et de visibilité. Parmi elles : les treize Mays(1) de Notre- Dame restaurés, La Visitation de Jean Jouvenet (jusque-là quasiment invisible), ainsi que certains tableaux des frères Le Nain ou de Lubin Baugin. Quant à la mise en lumière, il s’agit d’un éclairage plus doux, adapté aux temps liturgiques et à la lumière naturelle, qui révèlera davantage l’assemblée liturgique aux yeux des visiteurs. Le programme intègre enfin une ouverture discrète à l’art d’aujourd’hui, dans la tradition de l’histoire de la cathédrale qui a toujours accueilli le meilleur de l’art de son temps. Un projet de commande de tapisseries à la manufacture des Gobelins est en réflexion. Parmi d’autres, l’hypothèse de versets lumineux de la Bible, projetés en plusieurs langues sur une chapelle du bas-côté nord, est à l’étude.
P. N.-D. – Des opposants au projet ont parlé de « dénaturation » de l’espace liturgique. Que répondez-vous ?
G. D. – La cathédrale s’est transformée au fil des siècles, depuis la création des roses sud et nord, moins de cent ans après la pose de la première pierre (1163), jusqu’au XVIIIe siècle, avec le réaménagement du chœur (et la création des merveilleuses stalles par Robert de Cotte), à la restauration de Viollet-le-Duc au XIXe siècle… Notre-Dame doit rester un lieu vivant. Tout en préservant l’esprit de Maurice de Sully – ce que l’Église, gardienne de Notre-Dame, a toujours su faire depuis huit siècles, la cathédrale n’a pas vocation à se fossiliser. En 2024, nous retrouverons Notre-Dame telle que nous l’aimons, mais encore plus rayonnante et plus belle.
Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur
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