Notre-Dame roule pour le pape
Paris Notre-Dame du 13 juillet 2023
Devenu paraplégique en 2013, Paul de Livron s’est attelé à la conception de fauteuils roulants en bois. Et le jeune homme s’est lancé un nouveau défi : en créer un pour le pape François avec, entre autres, du bois de la charpente incendiée de Notre-Dame de Paris. Rencontre.
Paris Notre-Dame – Comment en êtes-vous arrivé à concevoir ces fauteuils en bois ?
Paul de Livron – J’ai toujours été attiré par le bois et, même si mes études ne me destinaient pas à un métier manuel, je voulais me spécialiser en ingénierie forestière… ce qui n’a bien sûr plus été possible une fois en fauteuil roulant ! J’ai très vite pris conscience des limites des fauteuils classiques en métal et je m’étais dit que je finirais par fabriquer mon propre fauteuil. Un des moments charnières de cette réflexion a été un séjour humanitaire en Inde en 2019. Je suis arrivé dans les dispensaires avec mon fauteuil roulant d’apparence haut de gamme et me suis retrouvé face à des engins anciens absolument pas maniables et en nombre très insuffisant. Je suis rentré en France avec l’idée d’en fabriquer un jour qui soient beaux, performants et accessibles à tous. Au printemps 2022, j’ai enfin eu du temps. J’ai dessiné et fabriqué mon premier prototype à l’aide d’une petite scie électrique de maquettisme. C’est ainsi qu’est né mon tout premier fauteuil roulant en bois.
P. N.-D. – Et pourquoi un fauteuil roulant en bois pour le pape François ?
P. L. – J’en ai déjà conçu deux pour moi, il me fallait un nouveau défi qui me stimule ! Et surtout, j’ai envie de démontrer que ma technique permet de créer des modèles variés et adaptés à tous les besoins. J’ai donc cherché un nouveau fauteuil à réaliser qui soit le plus différent possible : un fauteuil d’intérieur, confortable et esthétique. Mais pour qui le faire ? L’idée m’est venue de le réaliser pour le pape François ! Mes fauteuils sont destinés aux pauvres et l’utilisation du bois est en lien avec Laudato Si’. Grâce à diverses rencontres providentielles, j’ai eu l’opportunité d’assister à une audience générale au Vatican le 3 mai dernier et d’échanger quelques secondes avec le pape. Je lui ai saisi la main et lui ai dit : « Saint-Père, je suis ingénieur français, je fabrique des fauteuils roulants en bois comme celui dans lequel je suis assis. Mon objectif est de créer le fauteuil roulant performant des plus modestes. Je suis ici pour vous demander d’accepter d’être le parrain de mon projet en recevant votre propre fauteuil quand vous viendrez en France en septembre 2023. » Et il a accepté !
P. N.-D. – Comment avez-vous réussi à inclure du bois de la charpente brûlée de Notre-Dame ?
P. L. – Avant même de savoir si ce fauteuil pontifical serait réalisable, j’avais déjà l’idée d’y intégrer du bois rescapé de la charpente médiévale de Notre-Dame. Par l’intermédiaire d’un prêtre parisien, j’ai rencontré Mgr Laurent Ulrich, l’archevêque de Paris, pour lui exposer ma demande. Il n’y a vu aucune objection et m’a même encouragé ! Grâce à lui, j’ai pu obtenir deux morceaux de bois de la charpente sinistrée dont je vais me servir pour réaliser les accoudoirs du fauteuil. J’y vois là plusieurs symboles : ce bois est contemporain de saint François d’Assise sous la protection duquel le pape a placé son pontificat ; ses bras reposeront sur Notre-Dame, à l’image de Moïse dont les bras ont été soutenus pendant la bataille contre les Amalécites, permettant ainsi à son peuple de sortir vainqueur. Ces accoudoirs soutiendront les bras du pape, chef de l’Église catholique. Et c’est surtout un vestige de notre cathédrale au moment-même où l’Église de France est secouée par les tempêtes. De cette cendre, je souhaite faire renaître, je l’espère, une forme d’espérance.
Propos recueillis par Mathilde Rambaud
Sommaire
Consulter ce numéro
Acheter ce numéro 1 € en ligne sur les applications iOs et Android