Réhabiliter la théologie naturelle

Paris Notre-Dame du 3 novembre 2016

Paris Notre-Dame – Vous avez publié Le Choc des cosmologies (éd. Lessius). Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux théories scientifiques sur l’origine du monde ?

Le P. Pascal Genin, curé de la paroisse N.-D. de Lorette (9e), est l’auteur de Le Choc des cosmologies, éd. Lessius, 2016.
© Céline Marcon

P. Pascal Genin – J’avais le sentiment que le décrochage entre la cosmologie et la théologie catholique était trop systématique. La rupture entre les deux domaines date du XIXe siècle où la cosmologie installe le monde dans l’éternité. Pour les scientifiques et les philosophes de cette époque, l’univers n’a ni commencement ni fin. Dire le contraire est mal vu pour des raisons idéologiques parce que cela ouvre le questionnement sur l’existence d’un Dieu créateur. Mais en 1965, comme un pavé dans la mare, la publication par le Times de la découverte du rayonnement fossile renverse cette certitude en validant l’hypothèse du Big Bang. L’éternité du monde, énoncée comme une certitude au XIXe siècle, était soudainement ébranlée.

P. N.-D. – Comment les scientifiques et les philosophes ont-ils réagi à la découverte du Big Bang ?

P. P. G. – D’une manière générale, pour des raisons plus idéologiques que scientifiques, ce modèle rencontra de vives résistances. En France, Gaston Bachelard cesse de parler de cosmologie à partir de la découverte du rayonnement fossile, et Merleau-Ponty, dans Cosmologie du XXe siècle publié la même année, énonce un interdit sur le cosmos devenu célèbre : « Tu ne parleras pas du Tout. » Ensuite, dans les années 1980, alors que le modèle du Big Bang finit par s’imposer, c’est au tour de la physique quantique de voler au secours de l’éternité du monde en proposant des modèles théoriques d’univers cycliques ou gigognes. Encore maintenant, malgré l’accumulation des données astronomiques qui confirment l’irréversibilité de l’expansion de l’univers et sa mort thermique, il est étonnant de voir avec quelle constance la ligne éditoriale du CNRS continue de privilégier les modèles cosmologiques favorables à l’éternité du monde.

P. N.-D. – Pourquoi la théologie a-t-elle laissé de côté la cosmologie ?

P. P. G. – La théologie a subi des revers significatifs au XIXe siècle à cause d’une apologétique maladroite qui recherchait l’arche de Noé en haut du mont Ararat et voulait justifier la création en sept jours. Ajoutez le darwinisme, et vous comprenez pourquoi la théologie déserte les sciences dures au XXe siècle pour préférer les sciences humaines et ne plus risquer d’être contredite. En 1951, cependant, Pie XII avait prononcé un discours intitulée Un’ora, qui reprenait la question de Dieu à partir de la cosmologie moderne et tenait que l’hypothèse du Big Bang plaidait pour l’idée d’un Dieu créateur. Alors que le propos n’avait rien d’extraordinaire et se permettait simplement de remettre en cause le postulat de l’éternité du monde, ce texte fut très mal reçu par la communauté scientifique. Encore récemment qualifié de « bourde du pape », il est perçu comme une atteinte à la liberté de pensée. Ainsi, voit-on que la question de l’éternité du monde agit comme un révélateur. Elle souligne la crispation des scientifiques sur la question de Dieu et mériterait une plus grande attention dans la réflexion théologique avec la prise de conscience de l’épuisement des ressources naturelles. • Propos recueillis par Pauline Quillon

Le P. Pascal Genin donnera un cycle de conférences sur la cosmologie à l’Espace Georges Bernanos (9e), « La cosmologie peut-elle influencer notre foi ? ». La première séance a lieu mardi 15 novembre à 18h30.

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