Saint Denis portant sa tête à Montmartre

Paris Notre-Dame du 15 juillet 2021

Durant l’été, Paris Notre-Dame vous emmène sur les traces cachées de l’histoire de l’Église à Paris, en compagnie de Gonzague de Brunhoff, guide conférencier diplômé, membre de l’association Communautés d’accueil dans les sites artistiques (CASA). Troisième arrêt square Suzanne-Buisson (18e). Entrez et regardez attentivement : saint Denis, au fond, tient sa tête entre ses mains.

© Isabelle Demangeat

C’est une allée qui se découvre par hasard, au fil de pérégrinations le nez au vent, les yeux alertes. Située sur la butte Montmartre, « l’allée des brouillards » donne un petit air tropical à ce quartier pourtant bien connu de Paris. De grands arbres aux feuilles grasses cachent presque les façades de belles et blanches maisons bourgeoises. L’une d’entre elles, qui marque l’angle avec la place Casadesus, porte le nom de « château des brouillards ». « Il s’agit d’une “folie”, précise Gonzague de Brunhoff , guide conférencier diplômé, membre de l’association Communautés d’accueil dans les sites artistiques (CASA). Une de ces maisons que l’aristocratie et la bourgeoisie font construire au XVIIIe siècle sur les hauteurs de Paris. » Une folie qui tient son nom de « brouillards » pas par hasard. L’histoire veut que se tenait, ici, dans ce coin de Montmartre, une source. Et que de cette source, émanaient de l’humidité, de la brume, des « brouillards ». Si cette source s’est tarie au début du XIXe siècle à la suite d’un éboulement dû à l’extraction de gypse, une fontaine lui fait aujourd’hui référence dans le square situé à l’arrière du « château », le square Suzanne-Buisson (18e) – nommé ainsi en référence à une grande dame de la Résistance de la Seconde Guerre mondiale. Cette fontaine est surmontée aujourd’hui d’une statue un peu particulière, œuvre de Fernand Guignier, élève d’Émile Derré, en 1941. Le personnage sculpté est « céphalophore ». C’est-à-dire qu’il tient sa tête dans ses mains. Il s’agit de saint Denis, premier évêque de Paris. « C’est assez étonnant qu’une statue de saint apparaisse ainsi dans l’espace public, observe Gonzague de Brunhoff. Habituellement, on les voit dans les églises, les frontons de cathédrale… » Ici, cette présence revêt une vraie signification. Au moment de son martyre, autour de 250 après Jésus-Christ, relaté dans l’hagiographie de l’abbé Hilduin au IXe siècle, saint Denis aurait été décapité et aurait continué sa route en tenant sa tête dans ses mains. Il se serait alors arrêté à cette source pour laver sa tête avant de poursuivre son chemin et d’expirer six kilomètres plus loin. De ce martyre, ainsi que de celui de l’archiprêtre Rustique et du diacre Éleuthère, Hilduin fait dériver le nom de Montmartre pour « Mont des martyrs ». Beaucoup de religieux, de fidèles, y viennent alors en pèlerinage. Ignace de Loyola, saint François- Xavier ou encore Pierre-Antoine Fabre y passent ainsi après avoir célébré la messe fondatrice des jésuites, un peu plus bas sur la butte. Certains s’arrêtent à la source. Ils se mêlent à la foule de badauds, qui viennent, eux, chercher une guérison. « Dans la tradition populaire, l’eau de cette source avait de grandes vertus, explique Gonzague de Brunhoff . Elle guérissait maux de tête, douleurs articulaires, rendait les femmes qui en buvaient fidèles à leurs époux… » Un mélange de tradition populaire et de ferveur religieuse intéressant pour le guide conférencier qui fait remarquer que cette butte attire depuis toujours deux mondes parfois aux antipodes. Un monde attiré par le sacré, religieux et laïcs mêlés autour de la basilique du Sacré-Cœur. Et un monde profane, sur les pas des artistes montmartrois du XIXe siècle, souvent anarchistes voire anticléricaux.

Isabelle Demangeat @LaZaab

Plus d’informations : Gonzague de Brunhoff Guide conférencier national ; tél. : 06 63 46 73 31.

Articles
Contact

Paris Notre-Dame
10 rue du Cloître Notre-Dame
75004 Paris
Tél : 01 78 91 92 04
parisnotredame.fr

Articles