Sainte Hélène vénérée au cœur de Paris
Paris Notre-Dame du 7 décembre 2023
C’est désormais une tradition, la fête de la translation des reliques de sainte Hélène (en mémoire de leur don et de leur transfert à la paroisse) réunit chaque année chrétiens orthodoxes, catholiques et chevaliers du Saint-Sépulcre dans l’église de St-Leu – St-Gilles. Un rituel peu connu, empreint de mystère.
Un mois avant Noël, dans le bruyant quartier des Halles, une cérémonie hors du temps se déroule en toute discrétion. Dans la crypte de l’église St-Leu – St-Gilles (1er), des silhouettes défilent à la lueur des bougies autour de la chasse de sainte Hélène, recouverte d’un tissu couleur or : des femmes orthodoxes aux cheveux couverts, des catholiques, des chrétiens d’Orient et d’Occident. Ils prient la sainte, moins connue du grand public aujourd’hui et pourtant mère de l’empereur Constantin, surtout renommée pour avoir retrouvé la vraie croix du Christ sur le lieu de son tombeau. Bientôt, les chevaliers du Saint-Sépulcre rejoignent à leur tour la crypte pour une prière commune, tel un seul hymne, avant de porter la chasse en procession jusqu’à l’autel, pour les vêpres orthodoxes puis la messe catholique. À cette fin, les chevaliers ont revêtu cape et gants blancs, les dames se sont couvertes d’une pèlerine et d’une mantille noires ; la croix rouge de Jérusalem, celle de l’Ordre, orne leurs vêtements. Il est 17 heures.
« Nous avons travaillé avec les orthodoxes pour donner du sens à cet office », explique Sr Hubert-Dominique, religieuse à St-Leu – St-Gilles, « afin de tracer un chemin d’unité à travers nos différences ». En effet, la sainte suscite autant la ferveur des catholiques – en particulier celle des chevaliers du Saint Sépulcre, traditionnels gardiens des reliques –, que celle des orthodoxes qui pèlerinent dans cette église. Michel Guillaume, un paroissien à la longue barbe, rappelle que « dans l’orthodoxie, sainte Hélène est considérée comme l’égale des apôtres ». Ainsi, cette célébration ne ressemble à aucune autre. Mais comment les reliques sont-elles arrivées de Terre Sainte jusqu’à cette église ? « Transférées à Rome, elles ont été déplacées ou peut-être volées par un moine zélé dans les premiers siècles du christianisme », résume le P. Arnaud Bancon, curé de la paroisse. Elles sont parvenues en France, ont échappé à la Révolution et ont été remises aux chevaliers du Saint-Sépulcre en 1820 dans leur église capitulaire, où elles demeurent toujours aujourd’hui. Cette grande fête de la translation des reliques n’est pourtant célébrée que depuis une quinzaine d’années : l’ancien curé de la paroisse s’était lié d’amitié avec la communauté orthodoxe de Paris. L’idée avait alors germé de rassembler là, tous les ans, chrétiens orthodoxes et chevaliers du Saint-Sépulcre en raison de leur même vénération pour la sainte.
Les chevaliers ont maintenant rejoint l’autel, deux d’entre eux montent la garde, de part et d’autre du reliquaire. Le P. Bancon prend la parole : « Nous sommes originaires de différents pays et partageons la même dévotion pour sainte Hélène. […] Nous sommes invités à rester dans l’unité, la paix et l’espérance. » L’assemblée fait cercle autour de la chasse, orthodoxes à gauche, chevaliers à droite. La célébration se poursuit en slavon (une ancienne langue slave) par une litanie de prières, psaumes et cantiques orthodoxes. Des volutes d’encens accompagnent les tropaires. Vient ensuite le temps de l’adoration des reliques : les orthodoxes se signent puis touchent le sol avant d’embrasser le précieux coffret. Les chevaliers leur emboîtent le pas. La commémoration se prolonge silencieusement pendant que dehors, la foule affairée défile en continu. Certains curieux s’approchent de l’église avant de repartir ; sainte Hélène gardera encore un peu de son mystère.
Alix de La Roncière
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