À Lourdes, une assemblée sous le signe de la réforme
Paris Notre-Dame du 6 avril 2023
Une grande partie de l’assemblée plénière des évêques de France a été consacrée au rapport des neuf groupes de travail, créés à la suite du rapport de la Ciase. Décryptage avec Mgr Thibault Verny, évêque auxiliaire de Paris, président du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie (CPLP) et membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs.
Paris Notre-Dame – Lors du discours de clôture, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a dit que les évêques étaient « toujours résolus, mais apaisés ». Partagez-vous ce sentiment ?
Mgr Thibault Verny – « Résolus », cela est certain. Nous sommes marqués par le travail qui a été fait, à la fois avec les différents groupes de travail mais aussi entre évêques, les assemblées plénières étant des moments précieux de rencontres, de prière et d’échanges fraternels. J’ajouterais que nous sommes confortés dans la dynamique de la prévention et de la lutte contre les violences sexuelles, initiée il y a quelques années – on se souvient de la publication, en 2018, de la Lettre au peuple de Dieu du pape François – et renforcée par la remise du rapport de la Ciase. Une chose est sûre : le travail continue et ne s’arrête pas au vote de vendredi matin. Au contraire ! Ces deux jours de travail ont aussi souligné la nécessité de mener des ajustements, des harmonisations et d’ouvrir des champs nouveaux d’action ou de réflexion.
P. N.-D. – Concernant l’étude des propositions des groupes de travail, quelle a été la méthode de travail ?
T. V. – Le travail s’est fait en trois temps. D’abord, l’envoi aux évêques d’un volumineux rapport avec des annexes quelques jours avant l’assemblée plénière. Il importait de l’étudier avec attention, non seulement pour prendre connaissance des différentes préconisations mais aussi pour comprendre le cheminement qui s’était opéré dans ces groupes au fil des mois. Ensuite, à Lourdes (Hautes-Pyrénées), nous avons pu rencontrer les membres de ces différents groupes – grâce à un système de stands et de tables rondes – afin d’échanger et de donner un premier avis sur les propositions. Cela a permis à certains de reformuler ou de clarifier divers points. Confronter ses pratiques ou sa réflexion au regard pluridisciplinaire et extérieur des différents groupes de travail s’est avéré très stimulant et utile. Enfin, en dernier lieu, les évêques se sont prononcés sur des propositions par le vote. Certaines d’entre elles, qui concernent notamment l’accompagnement des évêques, sont devenues des décisions ; d’autres devront être reçues et approfondies par différentes réalités (Commission doctrinale de la CEF, conseils presbytéraux, supérieurs de séminaire, etc.) et pourront être intégrées progressivement dans la vie des diocèses. D’autres propositions, enfin, concernent l’Église universelle et devront être examinées à un autre niveau que le nôtre.
P. N.-D. – Vous êtes président du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie (CPLP), à qui les évêques ont confié plusieurs champs de travail…
T. V. – Le rôle actuel du Conseil – qui est déjà composé pour moitié de laïcs et de clercs – est d’insufler des orientations et des décisions à prendre en matière de lutte contre la pédophilie, en lien avec le Service national de protection des mineurs de la CEF (SNPM) qui devra sans aucun doute s’étoffer... L’assemblée des évêques demande aujourd’hui au CPLP et au SNPM de travailler et de s’approprier le rapport et les annexes, notamment pour le partage des bonnes pratiques devant des cas signalés. Une insistance particulière est portée sur les cellules diocésaines d’accueil et d’écoute, sur leur composition et leur fonctionnement. Par ailleurs est aussi confiée au CPLP et au SNPM la réflexion sur l’accompagnement des auteurs de violences sexuelles. Le rapport insiste, en effet, sur l’importance de ne pas isoler l’auteur et de l’accompagner, afin notamment de ne pas favoriser la récidive. Il propose plusieurs mesures en ce sens qui doivent être désormais étudiées et mises en œuvre.
P. N.-D. – Pouvez-vous nous dire un mot sur la démarche mémorielle, sujet sur lequel a travaillé un autre groupe ?
T. V. – En mars 2021, l’assemblée des évêques a discerné la nécessité d’une démarche mémorielle pour garder une mémoire vivante des drames vécus et nous tourner vers les générations futures en en tirant les leçons. Pour ce faire, une équipe pluridisciplinaire s’est mise en route avec notamment quatre personnes victimes et des universitaires. Cette équipe nous a présenté son travail, illustré avec des démarches mémorielles déjà existantes, dans des communautés chrétiennes comme dans la société civile. Nous avons reçu et accueilli l’ensemble des propositions. La mise en œuvre se fera par étape. Ce groupe ne conclut pas à un seul lieu mémoriel spécifique, mais plutôt à un lieu central, tête d’un réseau d’initiatives diocésaines.
Propos recueillis par Charlotte Reynaud
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