À Paris, la charité a une adresse
Paris Notre-Dame du 25 septembre 2025
Initié dès 2012, le projet de la Maison de la Visitation Vaugirard a connu une étape marquante, ce lundi 22 septembre, avec la bénédiction de sa première pierre par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris. Reportage.
Longtemps, Paris Notre-Dame n’eut rien d’autre à montrer à ses lecteurs que des plans et des projections 3D. Plus de dix ans après sa première impulsion – par le cardinal André Vingt-Trois, alors archevêque de Paris –, l’ambitieux et atypique projet de la Maison de la Visitation Vaugirard est, ce lundi 22 septembre, symboliquement sorti de terre… ou plutôt du jardin, par la bénédiction de sa première pierre par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, en présence d’une centaine de personnes : membres du diocèse de Paris et du clergé, personnalités politiques, donateurs et mécènes, responsables associatifs, mais aussi architectes, bailleurs et constructeurs. Une étape importante qui marque à la fois l’épuisement de tous les recours judiciaires possibles et la concrétisation d’un projet particulièrement complexe à concevoir.
Tout commence en 2012, lorsque les sœurs de la Visitation donnent leur couvent – un terrain de plus de 7 000m2 niché entre les rues Vaugirard et du Cherche Midi – au diocèse de Paris, en formant le vœu qu’il soit un poumon de fraternité en cœur de ville (voir PND 1980). Trois associations, pratiquant les colocations solidaires entre bénévoles et personnes en fragilité, sont alors choisies pour habiter ce lieu : l’Association pour l’amitié (APA), qui œuvre à la réinsertion des personnes vivant à la rue ; la Maison Marthe et Marie, qui abrite de futures et jeunes mères en situation de précarité ; Simon de Cyrène, qui pratique le logement inclusif pour des personnes en situation de handicap. Afin de garantir la pérennité du lieu sur le long terme, des logements locatifs, des commerces et une crèche sont également intégrés au projet, ainsi qu’un foyer d’étudiants. À tout cela s’ajoute la préservation et la destination des plus de 4 000 m2 de jardin, autrefois inaccessible au public et très pollué dans ses sols.
Une mosaïque d’ensembles bien différents qui implique une myriade de contraintes à prendre en compte dans la conception, confiée, dès 2015, à l’agence Duthilleul. Les bâtis, dont les experts de la Ville, de la DRAC et des Bâtiments de France ont jugé qu’ils étaient sans intérêt patrimonial, sont détruits, afin de laisser place à deux immeubles neufs, l’un destiné à la location, côté Vaugirard, l’autre à Simon de Cyrène, rue du Cherche Midi, dont les contraintes particulièrement fortes en terme d’agencement pour loger ses résidents nécessitaient une construction neuve. Le pensionnat Ségur et l’hôtel de Clermont-Tonnerre seront restaurés et réhabilités pour abriter, pour le premier, les colocations de Marthe et Marie, et, pour le second, une partie des appartements confiés à l’APA. Au rez-de-chaussée de ces deux bâtiments, des salles sont réservées pour les réunions communautaires ou à vocation pastorale. La chapelle sera restaurée et redeviendra un lieu de prière. Dans le jardin, deux bâtiments, tout en bois, sont construits pour abriter les autres colocations de l’APA, ainsi qu’un foyer d’étudiants. Quant au jardin, dépollué et redessiné en plusieurs espaces, il devient en partie et en journée accessible aux riverains, ouvrant ainsi un passage bienvenu, grâce à une venelle, entre les deux rues, permettant de désenclaver le quartier. « Ce n’est pas un jardin à l’anglaise, ni à la française, sourit Jean-Marie Duthilleul, architecte, mais un jardin pour la rencontre, où l’on a envie de rester. Beaucoup d’enfants vont passer ici – avec l’espace qui leur sera réservé – et ainsi s’habituer, dès leur plus jeune âge, à vivre avec d’autres personnes en fragilité. C’est bien le projet d’une ville, celui de vivre ensemble ! » Une déclaration en écho avec les mots de l’archevêque de Paris, rappelant, juste avant la bénédiction, combien « la solidarité, qui traduit l’amour du prochain, est le cœur de notre foi » : « Ce n’est pas une simple coexistence que nous visons, mais une symbiose, au sens le plus fraternel du terme. On vit trop facilement les uns à côté des autres, juxtaposés dans une indifférence qui signale l’individualisme et même un certain désenchantement du monde. Face à cette situation, l’Église puise une réponse à la source de l’Évangile, dans une simplicité et une humilité qui construisent une authentique fraternité, comme les religieuses qui ont, en ce lieu, cherché, par la prière et le service, à œuvrer à l’avènement d’un monde renouvelé. » En cette matinée du 22 septembre et sous un soleil radieux, la bénédiction de cette première pierre n’annonçait pas seulement l’avènement, à horizon 2027, d’un havre portant haut la fraternité, mais aussi la fidélité à la vocation d’un lieu, enraciné dans la prière : ici, de siècle en siècle, la charité a une adresse.
Par Charlotte Reynaud
Le projet en chiffres
- 10 bâtiments, 6 réhabilités ou restaurés et 4 neufs.
- 92 logements (42 logements sociaux et pastoraux, 50 logements de rapport).
- 1 crèche (côté Vaugirard) et 2 commerces (côté Cherche Midi).
- Pour une surface de plancher total de 8 643 m² (2 419m ² de surface démolie, 2 823m 2 de surface réhabilitée et 5 820m 2 de construction neuve) et un montant global de travaux de 28 millions d’euros HT.
- Un coût global de 48 millions d’euros, financé par les fonds propres du diocèse de Paris (25 %) (vente de biens et dons de paroisses, entre autres), des dons de mécènes (25 %) (notamment la Fondation Notre Dame à hauteur de 6 millions d’euros et la Fondation Bettencourt Schueller) et une dette bancaire remboursée grâce aux loyers des immeubles de rapport (50 %), ainsi que des subventions publiques à hauteur de 3 millions d’euros, au titre du logement social.
Sommaire
Consulter ce numéro
Acheter ce numéro 1 € en ligne sur les applications iOs et Android
