« Notre-Dame, c’est l’âme de l’Occident »

Paris Notre-Dame du 28 novembre 2024

Jean-Jacques Annaud, réalisateur de Notre-Dame brûle s’est replongé, pour les besoins de son film, dans l’incendie et le sauvetage de la cathédrale. Attaché à l’édifice, le cinéaste porte son regard sur l’incendie, la renaissance et le caractère universel de Notre-Dame.

Jean-Jacques Annaud lors du tournage de Notre-Dame brûle.
© David Koskas

Paris Notre-Dame – Avec le recul, quels mots mettriez-vous sur l’incendie du 15 avril 2019 ?

Jean-Jacques Annaud – C’est un opéra tragique. C’est le ressenti de nombreux pompiers que j’ai interviewés. Le feu est quelque chose de terriblement beau, terriblement dangereux ; c’est un démon fascinant et le voir s’attaquer, symboliquement, à une Vierge tellement vénérée, tellement belle, c’est un drame épique, wagnérien. Ce qui m’a également fasciné, c’est le déroulé des événements, le nombre de petites erreurs, de contretemps, qui ont failli aboutir à un grand désastre. On a une « star » attaquée, en danger de mort, et par des embûches et des coups du sort, les sauveteurs n’arrivent pas. C’est déjà un scénario de film qui marque. Les gens se souviennent encore de ce qu’ils faisaient, à quel endroit ils étaient, quand ils ont appris que Notre-Dame brûlait. Ce qui est beau, c’est que parmi les gens qui se sont réunis autour de la cathédrale, il n’y avait pas que des Français ou des chrétiens. On a entendu des chants en d’autres langues. C’était un chagrin universel.

P. N.-D. – Ce caractère universel de Notre-Dame, comment l’expliquez-vous ?

J.-J. A. – Il y a peu de bâtiments dans le monde dont la disparition provoquerait les émotions ressenties et partagées le 15 avril 2019. Notre-Dame, c’est un symbole puissant. J’ai des amis au Mali et au Niger, pays plutôt hostiles à la France. Et pourtant, ils étaient en larmes. Rappelons que c’est le bâtiment sacré le plus visité au monde. J’ai emmené beaucoup d’amis étrangers visiter la cathédrale. Ils en ont gardé un souvenir très fort. Paris, dans la tête des gens, c’est la tour Eiffel ; mais Notre-Dame, c’est l’âme de l’Occident. Il y a beaucoup de cathédrales en France et en Europe. Et, en Italie, il y a le Vatican qui a un statut particulier bien sûr ; mais Notre-Dame possède une aura particulière, plus secrète, plus mystérieuse. Dès le premier pas à l’intérieur, on se sent élevé de la matérialité vers la spiritualité. À l’extérieur, entourée par les quais de Seine, elle fait partie d’un tableau magnifique qui réveille quelque chose de profond en nous.

P. N.-D. – Vous avez choisi d’immortaliser, de manière très précise, l’incendie qui a failli entraîner sa destruction. Que vous inspire la renaissance de Notre-Dame ?

J.-J. A. – Je pense qu’avec le recul, cet incendie, stoppé avant que la cathédrale ne s’effondre, a été un mal pour un bien. L’édifice n’était pas en bon état en 2019, avant l’incendie, et l’argent manquait pour sa restauration. La pierre était très fragilisée ; dans un des beffrois, on pouvait même la gratter à la main. Après l’incendie, les fonds récoltés ont permis de lui redonner vie. Nous avons la chance, en France, d’avoir des artisans et des artistes extrêmement talentueux, qui ont su travailler vite et bien. Je ne sais pas où je serai le jour de la réouverture, mais je serai heureux de revoir Notre-Dame, en-dehors des moments de cérémonies en grande pompe. J’habite ce quartier depuis quarante ans ; et avant cela, quand j’étais petit et que ma maman m’emmenait à Paris tous les jeudis, la première chose que je voyais en sortant du métro Saint-Michel, c’était Notre-Dame... Je n’ai jamais cessé de la trouver subjuguante, à l’image des plus belles stars du cinéma qu’il m’a été donné de mettre en scène.

Propos recueillis par David Bini

Réouverture de Notre-Dame de Paris

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