Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame de Paris

Dimanche 12 octobre 2025 - Notre-Dame de Paris

– 28e dimanche du Temps Ordinaire — Année C

- 2 R 5, 14-17 ; Ps 97 (98), 1, 2-3ab,3cd-4 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 17, 11-19

Nous connaissons assez bien l’évangile que nous venons d’entendre. L’histoire de ce Samaritain, de cet étranger, qui vient remercier le Christ, qui vient rendre grâce à Dieu pour la guérison qu’il a obtenue. Mais il ne faut pas se focaliser uniquement sur cet aspect du récit, parce que, après tout, cela ressemble simplement à quelque chose de très banal et quotidien. Il y a généralement moins de personnes qui remercient pour les grâces reçues et simplement pour les bonnes actions dont ils ont bénéficié, que de personnes qui pensent à remercier tout au long du jour pour la vie qu’ils vivent et pour les bienfaits qu’ils reçoivent. Ceci est assez banal et ne justifie pas ce récit.

Pour bien le comprendre, la liturgie nous donne d’écouter le récit précédent, tiré du Livre des Rois, où nous voyons ce général syrien, qui est donc un étranger par rapport au peuple juif, et qui est allé quêter la guérison de sa lèpre auprès d’un serviteur de Dieu qui est du peuple juif, du peuple hébreu. Et voilà que cet homme, à qui le serviteur de Dieu dit simplement d’aller se baigner dans le fleuve, commence par être fâché qu’on ne lui dise que cela : « Va te purifier ! » Puis, dépassant sa colère grâce à ceux qui l’entourent, il le fait et il est guéri. Que se passe-t-il alors ? Il revient vers le serviteur de Dieu non seulement pour le remercier mais pour lui dire : « J’ai compris où était celui qui donne la vie ; j’ai compris où était le Dieu qui est capable de guérir les pauvres que nous sommes, les malades, les gens en mauvaise santé ou tout simplement qui se sentent pécheurs. » Et il découvre cela en étant allé simplement se baigner dans la rivière. Que comprend-il ? Il comprend que Dieu est capable de sauver, de chercher, de guérir quelqu’un qui ne fait pas encore partie de son peuple, qui ne fait pas partie du peuple choisi, qui ne fait pas partie du peuple hébreu. Ce Dieu présente l’avantage sur tous les autres de dépasser les frontières et de guérir qui il veut, même s’il n’est pas déjà enclos dans le peuple choisi.

Et puis ce bain, nous chrétiens, nous fait penser au baptême, le bain dans lequel nous sommes régénérés : il est dit que « Sa peau est redevenue comme celle d’un petit enfant. » Mais nous comprenons bien que le baptême n’était pas dans la pensée qui habitait celui qui a écrit le récit que nous venons d’entendre, puisque c’était bien avant le baptême chrétien et même bien avant le baptême de Jean Baptiste. Cependant, nous, chrétiens, comprenons que, symboliquement, cette guérison est déjà comme un baptême car non seulement elle guérit de la maladie mais elle ouvre le cœur à Dieu qui guérit. Voilà ce qui arrive à ce général, à cet étranger.

Alors nous comprenons mieux le récit de l’évangile. Jésus y donne un ordre curieux : « Allez vous montrer aux prêtres ! » Il fait comme si les dix lépreux étaient déjà guéris, parce que, selon la loi, il fallait être guéri, avec la peau en bon état, pour se montrer aux prêtres. Jésus les envoie donc comme s’ils étaient déjà guéris, et en chemin ils le sont. C’est la Parole de Jésus, comme la parole du prophète, qui guérit. Et c’est le geste d’aller vers les prêtres, c’est-à-dire d’aller vers la communauté, qui rend la santé et la guérison profonde, non seulement de la peau mais du cœur. Voilà ce qui arrive à ces dix : ils sont guéris au fond d’eux-mêmes. Ils peuvent être transformés, ils peuvent non seulement accueillir la guérison physique mais aussi, s’ils le veulent, la guérison du cœur.

Alors nous comprenons maintenant ce qui se passe chez ce Samaritain, c’est-à-dire chez cet étranger et cet hérétique selon les Juifs. Il comprend, comme le général Naaman, que Dieu est capable de faire des merveilles pour quelqu’un qui n’est pas dans le peuple, qui n’est pas dans le peuple choisi, qui n’était pas déjà dans le bercail. Il comprend cela et il veut alors clamer la gloire de Dieu. Il veut dire que c’est grâce à Dieu qu’il a trouvé non seulement la guérison mais la foi en Lui. Dieu l’a choisi, Dieu l’a désigné hors du peuple pour qu’il y entre, pour qu’il devienne l’un d’eux.

Alors que faire des neuf autres ? Les neuf autres sont comme habitués à la grâce de Dieu et ils oublient de s’en émerveiller. Ils oublient que non seulement ils ont été guéris, non seulement par le geste d’aller voir les prêtres ils sont réintégrés dans la communauté, mais aussi qu’ils pourraient bien chanter la gloire de Dieu. Peut-être que, parmi vous, certains n’étaient pas du peuple choisi, n’étaient pas dans l’Église et ont découvert, peut-être même lors de la visite de cette cathédrale, que Dieu leur parlait à eux aussi ? Ils sont comme le Samaritain, ils sont comme le général syrien : ils ont découvert que Dieu est capable de leur parler alors qu’eux n’étaient pas encore, ou ne se sentaient pas encore, choisis. Ils ne se sentaient pas jusque-là aimés de Dieu mais désormais ils ont envie de faire connaître à tout le monde le bonheur d’être aimé de Dieu et de pouvoir témoigner de Lui.

Quant à nous, peut-être sommes-nous tellement habitués à la grâce du baptême que nous avons reçu que nous n’y faisons plus attention ? Alors il nous est demandé aujourd’hui de nous émerveiller de nouveau d’avoir reçu cette grâce d’avoir été baptisé, d’avoir reçu l’eucharistie, d’avoir été confirmé et de pouvoir bénéficier si souvent de la grâce sacramentelle qui nous est faite, celle d’écouter la Parole de Dieu, celle de se laisser transformer par elle, celle d’être puissamment soutenu par les sacrements dans la fidélité à notre vie chrétienne.

Rendons grâce à Dieu pour ceux qui découvrent le Christ et la joie d’être sauvé ; rendons grâce à Dieu pour nous-mêmes qui savons depuis longtemps que nous sommes touchés par le Christ, aimés par Dieu le Père, et sauvés. Rendons grâce à Dieu pour tous les catéchumènes et pour les nouveaux chrétiens, les néophytes, au sujet desquels nous allons tenir dans cette Province ecclésiastique de Paris, un concile. Nous allons réfléchir, dans les mois qui viennent, à cette grâce reçue par certains, qui fait d’eux des membres de notre peuple et des témoins de l’amour du Seigneur.

Rendons grâce, émerveillons-nous de nouveau d’avoir été choisis et aimés.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Homélies

Homélies

Homélies