Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame de Paris

Dimanche 26 octobre 2025 - Notre-Dame de Paris

 30e dimanche du Temps Ordinaire — Année C

- Si 35, 15b-17.20-22a ; Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23 ; 2 Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14

Ce soir nous avons entendu le deuxième enseignement consécutif de Jésus sur la prière selon l’évangéliste saint Luc. Déjà, dimanche dernier, nous avons entendu cette parabole de la veuve qui essaie d’obtenir justice de la part d’un juge qui ne l’écoute pas et qui, sans cesse, prie pour être exaucée par ce juge-même. Elle est dans « une prière persévérante », c’est ce que Jésus nous a dit dimanche dernier.

Aujourd’hui, il nous invite à une autre attitude dans la prière, une attitude de grande humilité. Déjà le sage Ben Sira, dans la première lecture, évoquait la situation des pauvres, des opprimés, des veuves et des orphelins qui ne peuvent rien attendre des autres, qui s’en aperçoivent et qui ne peuvent que se tourner vers le Seigneur pour qu’il écoute leur prière. « La prière du pauvre traverse les nuées » dit Ben Sira, tant qu’elle n’a pas atteint son objectif il est inconsolable et « il attend jusqu’à ce que le Seigneur abaisse les yeux vers lui. »

« Attendre tout de Dieu » voilà l’attitude de la prière de ceux qui n’ont rien d’autre et personne d’autre pour se sentir écoutés. Être pauvre, opprimé, veuve ou orphelin, c’étaient quatre situations typiques qui, dans l’Ancien Testament, désignaient ces personnes auxquelles nul ne fait attention, ces personnes qui ne peuvent compter que sur Dieu.

Dans la seconde lecture, nous avons vu que Paul, en parlant de lui-même, ajoute une cinquième situation identique. C’est la situation de celui qui est traduit en justice, qui n’a rien à se reprocher mais envers qui les apparences sont contraires. Et il risque gros, il risque sa vie parce qu’on l’accuse injustement. Il a présenté sa défense dit-il, mais personne ne l’a écouté, tous se sont détournés de lui, seul le Seigneur l’a défendu. Voilà une attitude de nouveau pleine de sens pour nous. La prière que fait Paul c’est d’être introduit auprès de Dieu alors qu’il n’a pas cessé de se dépenser pour l’annonce de l’Évangile tout au cours d’une vie apostolique extrêmement chargée. Nous savons qu’il a fait bien, mais nous savons aussi qu’il a été jugé d’avoir mal fait et d’avoir donné à travers l’espérance que donne le Christ quelque chose que le monde récuse et ne veut pas voir. Et c’est pour cela qu’il est condamné. Mais seul Dieu viendra à son secours et le justifiera. S’il a été fidèle ce n’est pas à cause d’un tempérament fougueux, à cause d’une persévérance de tempérament, c’est parce que Dieu lui a donné cela. Dieu lui a permis de garder la foi et le cap de son ministère. Aussi, en cette situation, il ne peut plus que compter sur Dieu.

Et voilà que l’évangéliste nous rapporte cette parabole qui oppose deux hommes. Celui qui est sûr de lui et celui qui attend tout de Dieu. Mais faisons bien attention : quand Jésus nous propose dans ses paraboles l’opposition entre deux attitudes, entre deux personnages, il ne cherche jamais à dire que les bons sont de ce côté-ci et que les mauvais sont de ce côté-là. Il dit, parce qu’il s’adresse à chacun de nous : il y a en toi des deux. En toi il y a le personnage fier de ce qu’il fait, et qui est capable même de se vanter éventuellement, mais en tout cas qui a la conscience claire, la conscience droite et qui croit qu’il est sur le bon chemin, qu’il n’a rien à se reprocher. Mais en toi aussi il y a le pauvre, l’humble, l’homme ou la femme, le disciple simple, qui sait qu’il n’est pas à la hauteur d’être un vrai témoin du Christ, qui sait qu’il n’est pas sur le chemin de la sainteté autant qu’il le croit, qui sait que seul Dieu, le moment venu, saura le justifier.

Ainsi nous sommes l’un et l’autre. Nous sommes capables du meilleur comme du pire. Nous sommes engagés pour vivre le bien et nous savons que nous ne le faisons pas. Saint Paul d’ailleurs, dans une autre lettre, le dit : « Je ne fais pas le bien que je voudrais et je fais le mal que je ne voudrais pas. » Reconnaissance humble et prière persévérante devant le Seigneur d’être accueillis à cause de son salut, à cause de son amour, à cause de sa miséricorde et non pas à cause de notre bien, de notre qualité, de notre capacité à faire le bien.

La prière que nous adressons au Seigneur est une prière pleine d’humilité : voilà ce que Jésus nous recommande à travers cette parabole. Elle nous parle, elle va droit à notre cœur : nous nous reconnaissons capables de l’une et l’autre attitude, demandons au Seigneur qu’il nous fasse toujours la grâce de l’attitude d’humilité. C’est notre prière la plus profonde et celle que Dieu aime entendre, il l’exaucera.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Homélies

Homélies

Homélies