Homélie de Mgr Michel Aupetit
Notre-Dame de Paris – Dimanche 30 septembre 2018
« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la » (Mc 9, 38-43.45.47-48)
– 26e dimanche du temps ordinaire - Année B
Chers frères et sœurs,
En écoutant cet évangile, je me dis que nous n’allons pas être très jolis lorsque nous allons arriver au Ciel : « borgnes, estropiés ou manchots »... En effet, lequel d’entre nous peut affirmer avec certitude que sa main n’a jamais porté la violence ? Quel est celui qui pourrait dire : « Mes pieds m’ont toujours conduit sur le chemin de la sainteté » ? Et qui n’a pas eu, au moins une fois dans sa vie, un œil concupiscent ?
Bien sûr, il s’agit de la part du Seigneur d’une exagération sémantique pour montrer que tout est subordonné au Royaume de Dieu, que l’objectif de notre vie entière est la vie éternelle qu’il promet et que rien ne doit faire obstacle à ce chemin, à cette vocation. Il est important de comprendre que cette Vie éternelle commence dès ici-bas dans la mesure où nous suivons le Christ, où nous lui appartenons, où nous vivons dans son intimité.
Lorsque nous faisons du bien en son nom, que nous apprenons à aimer comme il aime lui-même, nous permettons à beaucoup d’autres de le connaître, de vivre de sa vie et d’accueillir l’amour infini de Dieu. La moindre action, même un verre d’eau au nom du Christ, est un acte qui nous fait entrer dans la communion divine. Nous nous émerveillons des œuvres impressionnantes qui manifestent la toute-puissance de Dieu. Ne négligeons pas pour autant les actes les plus humbles. C’est bien ce qu’exprime Jésus quand il dit qu’il faut accueillir celui qui fait un miracle en son Nom, même s’il n’appartient pas à notre communauté. C’est dire la responsabilité que nous avons envers nos frères humains.
Mais il convient d’être vigilant pour que notre appartenance au Christ ne nous rende pas arrogants. C’est ce que le pape François appelle le « cléricalisme ». Il n’est pas l’apanage des clercs... Il s’agit simplement d’abus de pouvoir. Les bienfaits que nous recevons de Dieu, chacun selon la grâce qui lui est confiée, peuvent nous mettre dans une position de force. Le risque est de nous approprier les dons que Dieu veut dispenser à tous les hommes par nos mains au lieu d’en faire un service, ce qui est très grave.
Comment éviter une telle dérive ? Il n’y a que la prière suppliante devant Dieu qui nous permet de rester à notre juste place de serviteurs inutiles dont Dieu pourrait fort bien se passer mais dont il souhaite qu’ils soient ses messagers. Seuls devant Dieu à l’oraison, nous apprenons du Christ le véritable sens du service où le frère revêt une dignité inouïe parce qu’il porte en lui la présence du Seigneur.
C’est pourquoi il nous faut prier tous les jours et supplier de n’être pour personne une cause de scandale, une occasion de chute pour tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus et qui pourraient être éloignés de lui par notre faute. Cela est vrai de tous les baptisés sans exception. Mais cela est vrai aussi et surtout pour ceux que le Seigneur appelle à le suivre en donnant leur vie pour conduire ses brebis. Quelle responsabilité mes frères !
Les prêtres qui ont donné leur vie au Seigneur pour vous servir sont profondément touchés et blessés par les récentes révélations au sujet de certains de leurs frères. Ils sont honteux et humiliés de subir ces amalgames qui les fait parfois rencontrer des personnes qui les insultent en les traitant de pédophiles. Comme le Seigneur, ils ont vraiment donné leur vie pour leurs frères et ne souhaitent que leur transmettre l’amour du Seigneur. Bien sûr, ils savaient qu’ils participeraient à l’opprobre subi par Jésus-Christ. Mais vous, chers frères, accordez-leur votre estime et votre confiance. Accordez-leur votre affection.
+ Mgr Michel Aupetit,
archevêque de Paris