Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe d’envoi des Baptisés en Mission Diocésaine à Notre-Dame des Champs (6e)

– Dédicace de la Basilique du Latran

- 1 Co 3, 9c-11.16-17 ; Ps 45 (46) ; Jn 2, 13-22

Le Temple de Dieu, c’est vous, dit saint Paul. C’est chacun de nous, car l’Esprit Saint est donné à chaque baptisé en tant qu’il est enfant de Dieu. Mais le Temple de Dieu c’est aussi nous tous ensemble puisque c’est le même Esprit Saint qui nous unit. De même, chacun de nous reçoit le corps du Christ à l’eucharistie qui nous constitue dans la communion d’une unique Église. Cela signifie que si chacun de nous est unique, notre communion constitue l’unique corps du Christ dont Jésus est la tête.

« Nous sommes le Corps du Christ, chacun de nous est un membre de ce corps ». Nous le chantons souvent. Chacun des membres est précieux aux yeux de Dieu, pas un n’est inutile. S’il manquait un seul membre ce serait une amputation irréparable. Mais comme dans n’importe quel corps il y a des articulations. Et après 2000 ans, il est important de regarder ces articulations. Ça coince aux entournures. Ce n’est pas de l’arthrose, car l’arthrose c’est une usure des cartilages et le Saint-Esprit renouvelle sans cesse ce corps pour qu’il ne s’use pas. Non, c’est plutôt de l’arthrite, c’est-à-dire une inflammation aiguë. Il faut absolument traiter car c’est très douloureux, spectaculaire, turgescent et risque de paralyser tout le corps.

Il n’y a qu’un seul médecin, Jésus-Christ. Mais il nous donne tout ce qu’il faut pour que nous prenions soin les uns des autres. Dans un hôpital, l’équipe soignante est composée de médecins, d’infirmières, d’aides-soignantes. Chacun a son rôle indispensable aux autres. Sinon, l’ensemble ne tient pas.

De même, dans notre Église, il faut que nous fassions corps, un vrai corps qui n’a pas d’amputation. Nous avons besoin les uns des autres pour porter ensemble la mission. La synodalité n’est pas un gros mot, c’est un état d’esprit à acquérir.

À Lourdes, nous les évêques, nous avons fait une belle expérience de fraternité. Certains évêques étaient dans le déni en pensant qu’il fallait passer à autre chose. D’autres étaient effondrés et se demandaient s’ils allaient encore pouvoir porter leur lourde charge et continuer leur mission. Jour après jour en nous écoutant d’abord les uns les autres et en révélant le fond de notre cœur, nous avons reconstitué une fraternité qui s’est élargie avec l’accueil de nombreux laïcs qui sont venus travailler avec nous. Nous avons entendu aussi le cri des pauvres, associé aux cris de la terre. Ces personnes en précarité ont pris la parole et nous ont partagé ce qu’elles vivaient. À aucun moment les évêques ne se sont placés en surplomb et c’est en frères qu’avec les pauvres et des laïcs prêts à nous aider que nous avons pu travailler et avancer.

Dans notre diocèse nous avons lancé cette étape de la synodalité où se constitue justement la fraternité sans laquelle la mission ne peut pas être portée en communion. Chers baptisés en mission ecclésiale du diocèse de Paris que j’appelle aujourd’hui, vous qui prenez cette charge pour la première fois, vous qui êtes renouvelés dans cette charge ou vous qui la portez actuellement, il nous faut tous ensemble revoir totalement notre façon de porter la mission. Ce n’est qu’à partir d’une fraternité où chacun sera reconnu pour ce qu’il est : précieux aux yeux du Seigneur, que nous pourrons porter ensemble la mission dans un véritable esprit évangélique, sans ces conflits de pouvoir qui sont la véritable gangrène qui ne peut conduire qu’à l’amputation et au bout du compte à la mort de ce corps.

Le Christ nous a promis que le mal ne l’emporterait pas dans son Église, que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Fort de cette certitude, nous avons le devoir de construire d’abord une véritable fraternité fondée sur la bienveillance. La charte du cœur que je voudrais vous faire signer, est la même que je veux faire signer à tous les acteurs de notre Église qu’il soit clerc, laïc ou consacré : cette charte consiste d’abord, non pas à réussir nous-mêmes pour nous gonfler d’orgueil, mais de faire réussir nos frères et nos sœurs dans leur vocation propre. Nous passerons ainsi de la stérilité à la fécondité. De la comparaison à la contemplation. De l’esprit du monde à l’évangile.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.