Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 17 octobre 2021

 29e dimanche du Temps ordinaire - Année B

- Is 53, 10-11 ; Ps 32 (33), 4-5, 18-19, 20.22 ; He 4, 14-16 ; Mc 10, 35-45

Broyé par la souffrance, le serviteur a plu au Seigneur. Terribles mots prononcés par le prophète Isaïe qui résonnent particulièrement après la révélation des souffrances infligées à des enfants par des prêtres et des baptisés au service de l’Église. Ce serviteur souffrant a toujours été identifié au Christ Jésus. Saint Paul nous le rappelle quand il parle de lui en le décrivant comme le grand prêtre capable de compatir à nos faiblesses, éprouvé en toutes choses.

Par qui Jésus a-t-il souffert ? Par des hommes qui servaient Dieu et voulaient l’honorer, les grands prêtres, les pharisiens, les scribes. Que s’est-il passé ? Comment est-ce possible ? Comment comprendre ce retournement vers le mal de personnes dévouées à Dieu et aujourd’hui comment des prêtres et des laïcs fascinés par l’amour du Christ au point de le suivre pour faire connaître son message d’amour et de paix ont été submergés par le mal.

L’évangile de ce jour nous donne peut-être une clef de compréhension.

Jean et Jacques, les disciples du Seigneur sont courageux : Ils ont été dans les premiers à suivre Jésus. Ils ont tout quitté pour le suivre. Ils ont vraiment la foi. En effet, ils croient que Jésus est le messie, ils croient qu’il va régner, qu’il va être roi. Mais ils vont être déçus. À chaque fois que la foule veut s’emparer de Jésus pour le faire roi, Jésus se dérobe et va se cacher dans la montagne pour prier. Alors ils rongent leur frein. Ils espèrent participer à la gloire du Seigneur. Ils attendent que Jésus révèle sa royauté.

Mais il y a une grande ambiguïté sur la royauté du Christ et sur la place qu’il offre à ses disciples dans ce monde. Dans les sociétés humaines le roi centralise tous les pouvoirs, lesquels s’appuient sur la force ou la puissance de l’argent. Ses proches bénéficient de son aura et participent à son pouvoir. Mais en Israël, c’est Dieu qui est roi. Et ceux qui reçoivent l’onction royale (messie : frotté d’huile) ne font que représenter cette royauté. Cette monarchie, dont l’étymologie signifie un unique principe, ne s’appuie pas sur la domination, sur la force ou sur l’argent.

L’amour est le principe unique de la royauté divine que va révéler et exercer Jésus. Cela exige une totale conversion car la royauté du Fils de Dieu se révèle sur la Croix sur laquelle insiste saint Jean quand, bien plus tard, il écrira son évangile. Qui alors siège à sa droite et à sa gauche ? Ce ne sont ni Jacques ni Jean mais deux bandits.

L’amour, c’est le don de soi. Jésus se donne, se livre par amour : « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18). Il s’agit de se déposséder du pouvoir, de l’emprise sur autrui, pour entrer dans le don que Jésus fait de lui-même et pour nous y associer pleinement.

Il faut passer de l’asservissement au service, de l’appropriation à la dépossession, de l’ambition à la mission. C’est une transformation obligatoire pour tout chrétien. Toute charge dans l’Église est un service. Le Pape se nomme : le serviteur des serviteurs. Ainsi la hiérarchie dans l’Église ne peut pas être la conquête d’un pouvoir mais l’accomplissement de ce service. C’est une mission donnée par l’Église qu’on ne choisit pas mais qu’on reçoit.

Quel renversement ! Si contraire à nos pratiques habituelles issues, sans doute, d’un reste d’animalité où le plus fort s’impose aux plus faibles. Il ne s’agira jamais dans l’Église d’un mâle dominant dans le troupeau.

Il s’agit du Christ, seul Seigneur, seul Maître, seul Tête, seul Principe qu’il convient d’imiter et qui sert l’humanité en lui ouvrant le chemin vers Dieu.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris

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