Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 10 octobre 2021
– 28e dimanche du temps Ordinaire – Année B
- Sg 7, 7-11 ; Ps 89 (90), 12-13, 14-15, 16-17 ; He 4, 12-13 ; Mc 10, 17-30
Qu’est-ce qu’il cherche cet homme qui vient voir Jésus ? Dans son évangile, Luc nous dit que c’est un jeune homme. Il a tout : il est riche, il est en règle, il fait tout comme il le faut.
Alors pourquoi vient-il voir Jésus ? Le jeune homme de l’évangile est un bon religieux. Il obéit parfaitement à la Loi : tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas l’adultère, tu honoreras ton père et ta mère. Est-ce que cela suffit ? Visiblement non !
Il lui manque quelque chose et il le sait. Qu’est-ce qui lui manque ?
Être en règle, est-ce cela qui fait de nous des personnes religieuses ? C’est quoi la religion ? Est-ce accomplir des rites pour être en règle ?
« Je suis un bon chrétien parce que je viens à la messe tous les dimanches et j’ai reçu tous les sacrements. Donc, je suis en règle. »
De même d’autres pourraient dire : « Je suis un bon musulman parce que je fais le ramadan, le pèlerinage à la Mecque. Je suis en règle avec Dieu. »
Et encore, « je suis un vrai juif, parce que j’observe le sabbat et je vais à la synagogue tous les vendredis soirs. »
Et vous, pourquoi êtes-vous venus aujourd’hui à la messe ? Est-ce pour être en règle ou parce qu’il vous manque quelque chose que vous êtes venus chercher ? Quel est ce sentiment d’incomplétude qui demeure même quand nous pensons avoir tout ce qu’il faut ?
Ce qui nous manque, c’est Dieu. Avez-vous remarqué que Jésus cite le Décalogue mais pas les quatre premiers commandements qui nous relient à Dieu ?
Il ne suffit donc pas d’être en règle pour entrer en relation avec Dieu ? Pour communier avec lui ? Pour vivre de sa vie ?
Faisons attention de ne pas vivre la religion comme une convenance sociale car alors nous vivrons sous le regard des hommes. Quand on vit sous le regard des hommes ou de la société on risque trop de dissimuler ce qui ne va pas, ce dont on a honte, et le pire est à craindre comme on le voit aujourd’hui. Vivre sous le regard de Dieu, c’est être en vérité. On ne peut pas tricher devant Dieu.
L’Église n’est pas une institution humaine, elle est le corps du Christ dont Jésus est la tête et nous les membres de ce corps. Si un seul membre se gangrène, c’est le corps tout entier qui est atteint. Il nous faut accepter d’être une Église de pécheurs et non une Église de parfaits. Sinon pourquoi Jésus dit aux pharisiens : « Je ne suis pas venu pour les justes mais pour les pécheurs » (Mc 2,17) ? Pourquoi récitons-nous le confiteor au début de chaque messe ?
Le pécheur est celui qui regarde le mal qu’il peut faire, en prend conscience, le regrette, demande pardon et désire profondément changer dans son cœur. Alors la miséricorde de Dieu peut l’accompagner sur son chemin de conversion. En revanche, le corrompu refuse de voir le mal qu’il fait, le justifie, refuse de changer et persévère dans le mal.
Nous sommes une Église de pécheurs, certes, mais non une Église de corrompus.
La vérité n’est pas cachée aux yeux du Seigneur et aussi dure soit-elle, il importe de faire la vérité pour pouvoir bâtir à nouveau sur le roc de la Parole de Dieu, sur le Christ qui s’est laissé défigurer par le mal en allant jusqu’au bout de l’amour.
Vivre en chrétien, c’est bouleverser notre vie, quitter nos certitudes, nos habitudes, changer de mentalité, pour suivre Jésus-Christ.
La religion chrétienne, c’est la religion des gens qui se laissent déranger, bousculer : « Vends tout ce que tu as et suis moi » (Mc 10,21).
Mais quelle joie inouïe de suivre le Christ pour rencontrer Dieu en vérité !!!
Michel Aupetit, archevêque de Paris