Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe de rentrée des étudiants d’Ile-de-France à Saint-Sulpice
Saint-Sulpice (6e) - Mercredi 10 novembre 2021
– Voir le compte-rendu.
– mercredi, 32ème semaine du Temps Ordinaire — Année B
- Sg 6, 1-11 ; Ps 81 (82), 3-4, 6-7 ; Lc 17, 11-19
Un cri jaillit : c’est la panique ! Un cri, ça trouble le calme, ça dérange. La foule entoure ce braillard aveugle : « Tais-toi ». Pourquoi à faire taire celui qui crie ? Peut-être par peur. En effet il semble qu’aux abords de Jérusalem il y avait un camp romain. Ces soldats féroces et sans pitié pourraient bien sortir pour régler violemment l’agitation. Mais il y a peut-être aussi le fait qu’un cri dérange la quiétude des gens et le bon ordonnancement apparent d’une société. Pas de vagues surtout….
Qui peut entendre ce cri ? Jésus ! Jésus entend le cri, il s’arrête, il appelle. C’est étonnant, mais à l’appel de Jésus tout change, en particulier le cœur de ses disciples. Voilà qu’ils se tournent vers l’aveugle en lui disant : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ».
Un cri a retenti à Lourdes ! Le cri des victimes, de ces petits que Jésus met au centre de son Église et auxquels il s’identifie : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait ».
Le cri des pauvres et le cri de la terre a retenti également à Lourdes. Comme le Pape François nous le dit, la défiguration de la planète atteint d’abord les pauvres.
Ils ont crié leur détresse et, parce que nous nous sommes retrouvés à l’eucharistie autour de notre Seigneur Jésus-Christ qui a entendu leurs cris, nous avons écouté en frères toutes ces victimes.
Nous avons presque tous des mentalités de planqués, de nantis, de gens bien entre soi, surtout ne pas s’ouvrir aux autres qui nous dérangent. Heureusement le Seigneur a mis en notre cœur une conscience et, grâce à l’appel de Jésus, nous arrivons nous aussi à bouger.
Quand j’étais jeune, que j’avais votre âge, je partais souvent seul en vélo sur les routes de France. Souvent je m’arrêtais devant les calvaires de nos campagnes et, en regardant Jésus crucifié, je pleurais. J’étais heureux d’être seul et que personne ne me regarde. J’avais honte de pleurer.
Maintenant, j’ai honte de ne pas pleurer, de ne pas entendre les cris des blessés, des victimes, des pauvres et de la terre qui gémit.
Faut-il être en manque pour crier vers Jésus ? En manque de lumière, en manque du nécessaire, en manque d’un véritable amour, d’une véritable amitié pour crier ainsi ? Pourtant, dans la Bible, on crie bien plus que l’on ne prie : « Dans mon obscurité, je crie vers toi Seigneur ».
Cher jeunes, il nous faut changer de logiciel. Le Pape nous emmène sur les chemins de la synodalité, c’est-à-dire un chemin à parcourir ensemble. Pour cela il nous faut construire la fraternité au-delà de nos prés carrés, au-delà de notre paroisse, au-delà de notre mouvement, de nos aumôneries, au-delà de nos dadas liturgiques ou religieux.
La fraternité se construit sur le Christ que nous devons reconnaître dans le visage de nos frères, en particulier les plus abîmés par la vie. Ils sont source de sagesse, d’humanité, de bienveillance et d’ouverture de cœur. Nous avons fait, entre évêques, cette expérience magnifique qui nous a ressoudés dans une véritable collégialité en partant non de nos présupposés ou de nos sentiments personnels mais de la parole des pauvres.
Cela nous permet de repartir de la figure de notre Seigneur Jésus-Christ qui se donne en nourriture comme le pauvre qui n’a rien d’autre a donné que lui-même.
Chers jeunes, que nos eucharisties, que cette eucharistie que nous sommes en train de célébrer, soient avant tout le lieu de cette rencontre sublime qui nous élève au-delà de nous-mêmes.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris