Homélie de Mgr Michel Aupetit – Messe à Notre-Dame de Paris - Épiphanie du Seigneur
Dimanche 7 janvier 2018 - Notre-Dame de Paris
– Is 60,1-6 ; Ps 71, 1-2.7-8.10-13 ; Ep 3,2-3.5-6 ; Mt 2,1-12
Est-il possible, frère et sœurs, de connaître Dieu ? La réponse est claire : c’est non. Il nous est impossible de connaître Dieu puisque les moyens de connaissance que nous avons, des moyens naturels, dépendent uniquement de nos cinq sens qui donnent une information que notre cerveau va interpréter, -extraire l’intelligible du sensible, comme on dit- mais au fond cela ne s’adresse qu’à ce qui est accessible par la matière. Autrement dit, nous pouvons simplement admirer la magnificence de la Création et imaginer que Celui qui en est à l’origine est quelque chose ou quelqu’un d’extraordinaire.
Ou bien, à la manière d’Einstein, nous pouvons voir que ce monde est ruisselant d’intelligence et que, forcément, il existe une intelligence supérieure qui est à l’origine de ce monde intelligible ! Mais nous ne pouvons pas connaître Dieu, il nous est impossible de le saisir en ce qu’Il est fondamentalement.
Voilà que nous sommes devant ce grand mystère ! Notre exploration se limite au monde matériel, et si nous faisons des progrès magnifiques dans la connaissance, en particulier scientifique, cela ne concerne en fait que le monde matériel. Dans l’infiniment petit, nous avons découvert des choses fantastiques, qui nous montrent simplement les mystères étranges de la matière corpusculaire que l’on appelle physique quantique, ou l’exploration de l’infiniment grand qui nous révèle l’exponentielle croissance de ce monde dans lequel nous sommes. Au fond, nous n’arrivons à connaître qu’à peu près cinq à dix pour cent de la réalité matérielle. Alors qu’en est-il de la réalité spirituelle ? Puisque Dieu est pur esprit comment pourrions-nous le connaître ?
Eh bien, il faut que Dieu se révèle à nous tout simplement ! Il le fit, Il le fit par sa Parole. C’est bien par sa Parole d’abord qu’Il a créé. Sa Parole s’est fait connaître mais il ne s’agit pas encore d’une parole matérielle. Celle par laquelle je vous parle en ce moment qui n’est constituée que des vibrations vocales qui viennent perturber la membrane tympanique, tout cela c’est du matériel. Non, Dieu quand Il parle, parle d’un appel personnel intérieur, une évidence intérieure en vous qui touche votre esprit.
C’est ainsi qu’Abraham s’est mis en route, que Moïse a entendu, que Samuel aussi a répondu, et ainsi de tous ceux à qui Dieu a parlé.
Un appel personnel, percutant, intérieur, qui n’a rien à voir avec le monde matériel mais qui nous fait comprendre que Dieu est personnel et qu’Il s’adresse personnellement à chacun de nous. Mais cela ne suffit pas aux hommes. On voit bien dans la Bible cette quête permanente de la connaissance de Dieu autrement que par une parole intérieure évidente. Les psaumes nous le disent : « quand pourrais-je m’avancer, paraître face à Dieu ? » (Ps 41) Moïse réclame de voir Dieu face à face. Il lui est dit simplement qu’il verra Dieu de dos, c’est-à-dire de manière indirecte comme au travers de la Création de tout ce que nous pouvons comprendre au travers du monde matériel. Chacun cherche effectivement à connaître Dieu. A Moïse il sera répondu : « nul ne peut connaître Dieu sans mourir » (Ex 33,20). Quelle perspective ! Même Philippe, en présence de Jésus : « montre-nous le Père et cela nous suffit » (Jn 14,8). Voir Dieu, c’est la grande quête de l’humanité. Comment connaître Dieu s’il ne s’était pas manifesté ? Aujourd’hui, le voilà qui se manifeste en tant que Dieu !
Nous fêtons à l’Épiphanie trois manières de la manifestation de Dieu au travers du Christ-Jésus, c’est-à-dire de sa Parole incarnée. Tout d’abord par la présence de ce tout-petit à la crèche, puis par le baptême où le Père le désigne : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », aux Noces de Cana où ses disciples croient en Lui parce que là, c’est le premier signe de sa divinité qu’Il a montré aux hommes.
Ainsi, Dieu se manifeste et Il a pris un visage. Impossible pour nous de le connaître sans passer par Celui qui a pris un visage. « Nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils » (Mt 11,27), nous dit Jésus. Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Il ne nous est pas possible de connaître Dieu sans Jésus. Le voilà qui se manifeste dans ce tout petit enfant. Qui peut reconnaître Dieu dans cette fragilité ? Qui peut le reconnaître ? Il faut la foi. Seule la foi peut nous faire reconnaître Jésus dans cet enfant, seule la foi peut nous faire connaître Jésus dans ce morceau de pain que nous allons recevoir. Seule la foi peut nous faire mettre à genoux devant le Saint-Sacrement, car ceux qui n’ont pas la foi n’y voient qu’un morceau de pain banal. Oui, c’est la foi qui a poussé ces mages vers l’étable ; c’est la foi qui a fait dire à Marie : « oui » ; c’est par la foi que Joseph l’a prise avec lui et a accueilli cet enfant qui venait de Dieu. La foi, ce n’est pas comme la lumière qui nous permet de voir avec les yeux, car les yeux ne servent à rien s’il n’y a pas de lumière. Mais, comme le dit le pape François dans son encyclique La lumière de la foi, je le cite : « la foi n’est pas une lumière qui dissiperait nos ténèbres, mais la foi, c’est la lampe qui guide nos pas dans la nuit et cela suffit pour le chemin. » Voilà ! Notre étoile à nous, c’est la foi. Les mages voyaient une étoile inscrite dans le ciel que Dieu a bien voulu leur montrer, mais notre étoile à nous, c’est la foi.
Mais il ne suffit pas d’avoir la foi. Reconnaître le Christ, c’est bien mais certains l’ont reconnu et l’ont crucifié ! Il faut l’accueillir. Ceux qui l’accueillent sont ceux qui sont capables d’accueillir son amour, qui sont capables de répondre à son amour. Le pape François continue dans la même encyclique, La lumière de la foi, « et pour cela il faut la disponibilité du cœur ». Comment pouvez-vous aimer si votre cœur est fermé, s’il ne se laisse pas surprendre, s’il ne se laisse pas déranger comme les mages, s’il ne se laisse pas bouleverser comme Marie au moment où l’ange vient la visiter ? Voilà ce que dit le pape François : pour l’accueillir, il faut la disponibilité, c’est-à-dire se laisser transformer par l’appel de Dieu. C’est ce qu’a fait Marie, c’est ce qu’a fait Joseph, c’est ce qu’ont fait les mages.
Et qu’est-ce que cela nous donne ? Nous l’avons entendu dans l’évangile : « ils se réjouirent d’une très grande joie » (Mt 2,10). Trouver Jésus, c’est trouver la plus grande joie. Voilà pourquoi il est important de faire connaître Jésus, pour ne pas le garder pour soi ! Nous n’avons pas à garder Jésus pour nous parce que nous l’avons trouvé nous-mêmes, nous avons à l’annoncer et voilà pourquoi nous sommes partis, vous êtes partis en mission partager cette joie qui vous habite, parce qu’il n’y a pas de plus grand égoïsme que de ne pas partager la joie.
Nous prions aujourd’hui pour les donateurs, qu’ils soient ceux qui donnent peu d’argent mais qui donnent tout, comme la veuve, que ce soit ceux qui donnent largement. Ceux qui donnent, donnent ce qu’ils ont, mais donner la joie, c’est donner ce qui vient de Dieu, c’est encore plus important. Trouver Jésus, c’est trouver la plus grande joie, la joie d’être aimé infiniment, la joie d’entrer dans la spirale de l’amour.
Alors le plus beau cadeau que Dieu nous a fait pour se faire connaître, c’est Jésus, Jésus qui s’offre au monde à chacune de nos eucharisties puisque c’est lui le prêtre, l’offrande et celui à qui est offert l’offrande. C’est l’acte parfait d’amour auquel nous avons la grâce d’être associés chaque fois que nous répondons à l’invitation du Seigneur et que nous sommes à la messe, quelle grâce !
Puisse cela, frères et sœurs, être votre très grande joie !
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.