Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Notre-Dame de Paris
Notre-Dame de Paris - Dimanche 25 février 2018
– 2e dimanche de Carême – Année B
– Gn 22,1-2.9-13.15-18 ; Ps 115,10.15-19 ; Rm 8,31-34 ; Mc 9,2-10
Quel événement extraordinaire ! Sans doute le moment le plus extraordinaire de la vie de Jésus avant sa Résurrection. Jésus est transfiguré devant ses apôtres. Le texte grec dit : « métamorphosé ». Cela veut dire qu’au-delà de sa nature humaine visible apparaît sa nature divine. Et devant cet événement, la proposition de Pierre paraît incongrue : « Dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie ». Est-ce bien le moment de faire du camping ? Eh bien, il faut croire que oui !
Nous sommes certainement dans ce temps qui précède la fête des Tentes, la fête de Soukkhot, ce mot qui signifie les « cabanes ». Ce sont ces fameuses tentes que les juifs habitaient quand le Seigneur les accompagnait au désert. Pierre anticipe la fête et perçoit cette manifestation extraordinaire en Jésus, sa Transfiguration, comme la révélation de la venue des temps messianiques dont le signe était justement l’habitation des justes dans des cabanes, les tentes célestes.
Mais la portée spirituelle est plus grande encore. « Le Verbe s’est fait chair », il a « campé », dressé sa tente parmi nous. Jésus accomplit vraiment la fête des Tentes car Dieu habite avec nous et en nous. Et peut-être plus encore par le fait qu’il restaure la tente détruite de la nature humaine.
L’historien Jean-Christian Petitfils pense pouvoir situer historiquement la Transfiguration le même jour que la fête du Kippour, la fête des Expiations où l’on célèbre la liturgie du pardon des péchés. Ce jour-là, le grand prêtre se dépouille de ses vêtements somptueux, traverse une première salle appelée « le saint » ou « la première tente », puis pénètre dans « le saint des saints », la seconde tente, où il prononce une seule fois le nom sacré du Seigneur, le fameux tétragramme : YHWH.
Cette cérémonie a lieu six jours avant la fête des Tentes.
Cela veut dire que le Christ est le véritable Grand Prêtre qui récapitule en lui « la Loi », représentée par Moïse, et « les prophètes » représentés par Elie, c’est-à-dire qu’il est le point d’aboutissement des Écritures parce qu’il est lui-même la Parole de Dieu.
Le grand prêtre devait ensuite offrir un sacrifice pour le pardon des péchés.
Jésus accomplit l’unique sacrifice qui rétablit l’Alliance. Comme Dieu, il révèle le Don d’amour divin à l’humanité et comme homme, il l’accueille et s’offre en retour en livrant sa vie par amour.
En revenant de la haute montagne, Jésus révèle à ces trois-là qui l’ont vu dans sa Gloire, sa mort et sa Résurrection. Si nous avions lu les quelques lignes qui précèdent cet évangile que nous venons de proclamer, nous aurions vu que la Transfiguration se déroule juste après que Jésus ait dit : « En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Règne de Dieu venu avec puissance » (Mc 9,1). Ce sont ceux-ci, Pierre, Jacques et Jean, considérés par saint Paul comme les colonnes de l’Église, qui voient la manifestation de la Gloire de Jésus, du Règne de Dieu et qui seront aussi présents à Gethsémani où Jésus assume l’angoisse la plus profonde, l’angoisse mortelle de l’humanité jusqu’à être couvert d’une sueur de sang. Là, il se révèle véritablement homme alors qu’à la Transfiguration, il s’est révélé véritablement Dieu.
Il est bien le seul Grand Prêtre, celui qui obtient le pardon des péchés.
Ainsi, à la Transfiguration, le Père nous révèle la véritable identité de Jésus : « Celui-ci est mon fils bien-aimé. Écoutez-le ». Jésus est le Fils bien-aimé du Père, il est la Parole de Dieu qu’il faut écouter, accueillir et aimer, l’unique Grand Prêtre qui rétablit le lien entre le Ciel et la Terre, entre Dieu et les hommes. Il est aussi celui qui, par sa Résurrection, fait advenir en nous la Vie même de Dieu.
Adorons-le !
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.