Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Notre-Dame de Paris pour la remise du Pallium

Notre-Dame de Paris - Dimanche 7 octobre 2018

 Voir le compte-rendu.

 27e dimanche ordinaire - Année B
 Gn 2,18-24 ; Ps 127, 1-6 ; He 2, 9-11 ; Mc 10,2-16

Chers frères et sœurs,

La question du divorce et le renvoi ou l’abandon de sa femme ne date pas d’Amoris Laetitia. Nous venons de l’entendre : déjà du temps de Moïse on s’autorisait à renvoyer sa femme et à l’époque de Jésus cette question revient encore : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? ».

L’évangile nous dit qu’il s’agit d’un piège tendu à Jésus. En effet, à cette époque il y avait deux écoles rabbiniques. L’une, celle de Hillel, prétendait qu’on pouvait répudier sa femme pour n’importe quel motif. L’autre, celle de Shamaï, disait que la répudiation devait être la conséquence d’une faute grave, comme l’adultère. Jésus renvoie ces deux écoles dos à dos en replaçant la question au commencement de la création, à la volonté originelle de Dieu, plus fondamentale que les préceptes mosaïques. Car Moïse transige en raison de la dureté du cœur de l’homme. Il impose une limite au pouvoir du mal. Une femme renvoyée, étant donné sa condition, était condamnée à la misère ou à la prostitution. L’acte de répudiation la protégeait comme la pension alimentaire aujourd’hui.

Le livre de la Genèse auquel nous renvoie Jésus nous explique l’intention de Dieu. Et s’il ne s’agit pas d’une description scientifique de la naissance de l’humanité, elle nous en révèle le sens profond, ce qui est encore plus important.

L’intelligence de ce récit bien connu de formation de la femme à partir de la côte d’Adam qui peut nous faire sourire aujourd’hui, est expliquée par les rabbins juifs dans un midrash : « Si Dieu avait créé la femme à partir d’un os de la tête, la femme aurait dominé l’homme. C’est le matriarcat. Si Dieu avait créé la femme à partir d’un os du pied, l’homme aurait méprisé sa femme. C’est le patriarcat. Non, Dieu a créé la femme à partir de la côte en face du cœur pour que l’homme aime sa femme ». Elle est de la même nature que l’homme car elle est « l’os de ses os et la chair de sa chair ». Elle est son égale, ce qui est le contraire des cosmogonies mésopotamiennes où la femme était issue d’une matière différente pour expliquer ou valider son infériorité. Il y a là un progrès majeur.

Pour renforcer ce trait, les mêmes rabbins jouent sur les mots qui qualifient l’homme et la femme : isch et ischah. C’est elle qui porte en premier le nom donné par Dieu. Lui, qui n’est qu’Adam, c’est-à-dire un terreux tiré de la glaise, ne devient isch qu’en face de sa femme. C’est elle qui lui permet d’entrer en humanité. Il y a dans les noms de isch et ischah une lettre sur trois qui est différente (comme le chromosome X et Y). Lorsqu’on joint ces deux lettres on obtient le début du nom de Dieu. Cela veut dire qu’ensemble l’homme et la femme sont à l’image de Dieu. Si on supprime ces deux lettres qui les distinguent on obtient le mot : « guerre », « passion » ou « feu ». Sans l’image de Dieu assumée, il reste la guerre des sexes.

La vocation de l’homme et de la femme est de communier dans l’amour, de vivre l’alliance à l’image de la communion trinitaire du Père, du Fils et du Saint Esprit, qui sont Un. Hommes et femmes, ils sont deux pour s’aimer. Ils sont un parce qu’ils s’aiment.

La vocation de l’évêque est d’être un homme d’unité. Le sens du pallium que j’ai reçu aujourd’hui des mains de monseigneur le Nonce apostolique est un signe de communion avec le Saint Père et avec mes frères évêques de la Province ecclésiastique. Il appartient à l’archevêque d’œuvrer à la communion fraternelle de sorte que tous, nous soyons un dans l’amour. Que le Seigneur, le Bon Pasteur des brebis, me donne de vivre cette grâce et cette mission toujours plus pleinement.

+ Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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