Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Antoine des Quinze-Vingts
Saint-Antoine des Quinze-Vingts (12e) - Dimanche 14 octobre 2018
– 28e dimanche du temps ordinaire - Année B
– Sg 7,7-11 ; Ps 89, 12-17 ; He 4,12-13 ; Mc 10,17-30
Chers frères et sœurs
Il a tout cet homme : il est jeune, riche et il est impeccable aux yeux de la société. Il observe tous les commandements. Alors pourquoi vient-il voir Jésus ?
Il possède tout ce que le monde peut lui offrir est pourtant il lui manque quelque chose. Et il le sent bien. Il a hérité de tout ce qui peut rendre un homme heureux mais il voudrait hériter aussi de la vie éternelle : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
« Tout s’achète et tout se vend » nous dit une sagesse qui se voudrait populaire. Il est vrai que la vertu peut s’acheter, la conscience peut s’acheter, l’honnêteté même peut s’acheter. Oui, mais le Ciel ne peut pas s’acheter.
Tout ce qui vient de Dieu ne peut pas s’acheter. Nous ne pouvons pas obtenir le Ciel en faisant des efforts ou en payant à prix d’argent.
Nous pouvons tout obtenir de Dieu à condition d’accepter de recevoir. Toute l’attitude chrétienne consiste à recevoir et non pas à prendre. On nous apprend sans arrêt qu’il faut conquérir, combattre, réussir et se donner les moyens. Si cela semble vrai dans notre société humaine, cela n’est pas vrai dans la société divine. Ce que Dieu donne s’appelle la grâce dont l’étymologie est la même que le mot gratuité.
Il nous faut apprendre à tout recevoir de Dieu. La vie éternelle, c’est Dieu qui se communique. Il faut donc ouvrir son intelligence, ses mains, son cœur pour accueillir les grâces du Seigneur. Cela est vrai de sa miséricorde quand nous allons nous confesser. Cela est vrai de sa Vie qui se communique dans son Corps et dans son Sang. Nous ouvrons la bouche ou nous tendons les mains. Dans une société individualiste la valeur suprême est l’autonomie. Tout se réfère à cela. Voilà pourquoi, quand cette autonomie n’existe plus, on demande à ne plus vivre. Or, la réalité d’une société humaine c’est l’interdépendance. L’argent que nous avons ne rend pas raison des compétences nécessaires au quotidien de notre vie. Accueillir la grâce, c’est entrer dans une humilité qui nous permet de construire une société fraternelle.
Ce que Jésus demande c’est qu’il n’y ait pas d’obstacles au don qu’il nous fait de lui-même. Et la richesse peut être un obstacle. Car cet homme qui vient vers Jésus croit posséder des richesses. En réalité ce sont les richesses qui le possèdent. Pour entrer en relation avec Dieu, pour entrer dans sa vie, il faut être libre. C’est ce que le Seigneur dit à ses apôtres.
D’ailleurs, il n’y a pas que la vie éternelle qui ne peut pas s’acheter. Dans le livre du Cantique des Cantiques, il y avait déjà cette affirmation : « celui qui voudrait acheter l’amour à prix d’argent ne récoltera que du mépris » (Ct 8, 7).
Or, l’amour c’est le don de Dieu par excellence. Oui, l’amour et la vie éternelle ne peuvent pas s’acheter parce qu’ils manifestent la réalité de Dieu qui ne sait que se donner et qu’il faut savoir accueillir.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.