Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe de rentrée des parlementaires à Sainte-Clotilde
Basilique Sainte-Clotilde (7e) - Mardi 16 octobre 2018
– Ga 5,1-6 ; Ps 118, 41.43-45.47-48 ; Lc 11,37-41
Mesdames et messieurs les parlementaires
Mesdames et messieurs les élus,
Chers frères et sœurs,
Elle est intéressante cette phrase de saint Paul : « C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. Ne vous mettez pas sous le joug de l’esclavage » (Ga 5, 1). Chère liberté qui orne le fronton de nos mairies.
Mais, au fait, sommes-nous libres ?
Les neurologues des années 1980 faisaient de nous des hommes neuronaux en nous enfermant dans des conditionnements physiologiques. Presque quarante ans plus tard, les neurophysiologistes rejoignent les philosophes grecs en réaffirmant qu’il y a bien chez l’homme une capacité de discernement et de jugement qui nous permet de poser un acte libre.
Libres, donc responsables ! Si dans la société humaine il y a des tribunaux, c’est que l’on considère que l’homme est responsable, contrairement aux animaux qui ne se font pas de procès et aux robots dont l’intelligence artificielle est conditionnée, et aussi performante soit-elle, ne pourra pas être tenue pour responsable.
Libre, donc responsable ! Oui, à condition de ne pas se mettre sous le joug de l’esclavage par des conditionnements sociétaux, idéologiques, pulsionnels et d’exercer son jugement en s’appuyant sur la liberté de pensée.
Liberté de pensée, liberté de conscience sont la clé d’une véritable démocratie. Quand elles sont censurées au nom d’un « nouvel ordre moral » qui exerce sa pression et fait taire la dissidence, nous sommes en danger.
« La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Cette phrase de Jésus nous incite à poser la même question que Ponce Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18, 38). La vérité est toujours à rechercher sans jamais la saisir entièrement, à l’approcher sans jamais l’enfermer dans l’étroitesse de notre esprit. Pour aller à sa rencontre, il faut beaucoup d’humilité.
Une des clés de la liberté véritable est celle qui se construit au plus profond du cœur, au-delà des apparences. Les contraintes sociales, les accords de principe, les acquiescements serviles sont autant de sacrifices aux apparences qui restreignent la liberté, ainsi que le dit Jésus dans l’évangile que nous venons de lire. Purifier l’extérieur, soigner l’apparence, se soumettre aux diktats sociétaux, c’est abdiquer la meilleure part de son humanité.
Purifier l’intérieur, c’est accepter de regarder ce qui nous meut, la cupidité ou la générosité, l’envie ou l’altruisme, l’emprise ou le don de soi. C’est apprendre à être libres. Bien des péchés dans l’Église, en particulier ceux que l’on découvre aujourd’hui, sont dus à cette absence de liberté intérieure où se pose le regard de Dieu. Le regard des hommes nous enferme en nous entraînant à cacher la vérité. Le regard de Dieu nous libère car devant lui rien n’est caché qui ne sera connu au grand jour (cf. Lc 12, 2). Déjà Dieu l’avait enseigné au prophète Samuel : « l’homme voit les apparences, Dieu juge le cœur » (I Sm 16, 7). Le Christ nous a rendus libres. Qu’il nous donne aussi de regarder courageusement ce qui nous fait agir pour apprendre la véritable liberté.
Mais pourquoi être libre ? Pour accomplir la seule chose qui vaille dans notre vie : aimer. Car, il n’y a pas d’amour sans liberté, il n’y a pas de don de soi qui ne soit libre. C’est ainsi que le Christ nous a enseigné l’amour : « Pas le plus grand d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 3) et la liberté : « Ma vie nul ne la prend, c’est moi qui la donne » (Jn 10, 18).
Chers amis, apprenons la liberté pour aimer davantage : « la foi qui agit par la charité » (Ga 5, 6).
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.