Homélie de Mgr Michel Aupetit -Messes à Sainte-Jeanne de Chantal (Paris 16e) et Notre-Dame de Paris
Dimanche 2 décembre 2018
– Voir l’album-photos de la célébration à Notre-Dame de Paris en présence des jeunes confirmés en 2018.
– Premier dimanche de l’Avent - Année C
– Jr 33,14-16 ; Ps 24,4-5.8-10.14. 1 Th 3,12 à 4,2 ; Lc 21,25-28.34-36
La justice nous ajuste au Seigneur qui vient
« Y a pas de justice ! », « la justice est vendue au pouvoir ! », « Tous pourris ! ». Il n’y a pas que dans la bouche « des gilets jaunes » que nous entendons cela.
Toutes ces imprécations prouvent que l’homme est assoiffé de justice. Comment ne pas penser à cette Béatitude : « Heureux les assoiffés et les affamés de justice, ils seront rassasiés » (Mt 5, 6). Alors quelle joie d’entendre Dieu nous dire par la bouche de Jérémie dans la première lecture : « je ferai naître un germe de justice », et le prophète de nous révéler : « le Seigneur est notre justice ».
Mais qu’est-ce que la justice ?
Pour les hommes, il s’agit d’abord de l’équité : ne pas faire de différence entre le riche et le pauvre, entre le fort et le faible, entre l’homme et la femme. Nous savons que c’est un combat permanent et les nouvelles discussions sur les lois de bioéthique, auxquelles l’Église a largement participé, ont pour fondement le respect de cette justice pour protéger le vieillard, le malade, la personne handicapée, la vie commençante des intérêts commerciaux, de l’utilitarisme ambiant, d’un « droit à l’enfant » qui ne respecte pas les droits de l’enfant.
La justice la plus élémentaire et la plus partagée veut aussi que le bien soit récompensé et que le mal soit puni. Mais qui va distinguer entre le mal et le bien dans notre société pluraliste ?
Pour Dieu, nous voyons dans la Bible que si la justice passe aussi par l’équité due à l’égale dignité de tous les êtres humains à l’image de Dieu, elle ne se résume pas à cela.
La justice est aussi un ajustement à Dieu. Nous pourrions parler davantage de « justesse » que de justice, car il s’agit de correspondre au Seigneur en imitant le Christ, manifestation de la sainteté de Dieu. C’est l’Esprit Saint que vous avez reçu qui permet cet ajustement.
Voilà ce que signifie le texte de l’évangile. Il s’agit d’aller à la rencontre de Celui qui vient : Jésus-Christ. C’est tout le sens de l’Avent. En l’accueillant en nous, nous nous préparons à la véritable justice de Dieu : vivre en communion dans l’amour divin.
Où est la justice des hommes ? En France, elle est fondée sur les valeurs de la République que nous voyons sur le fronton de nos mairies. Nous arrivons à tenir le mieux possible la liberté et l’égalité mais que reste-t-il de la fraternité ?
L’oubli du Père entraîne l’oubli du frère. En nous séparant de Dieu, nous perdons le lien naturel avec les autres hommes. L’humanité se divise, chacun devient un étranger pour l’autre. De là naissent les tensions entre les riches, les pauvres, les races, les langues ; l’homme et la femme. Tout ce qui différencie les hommes construit des barrières. C’est ainsi que naissent, comme le dit le Seigneur dans l’évangile, « la débauche, l’ivrognerie, le souci de la vie », qui sont autant d’expressions du désespoir de vivre.
Or, recevoir « le Fils de l’homme qui vient sur la Nuée » (Daniel 7) consiste à accueillir Dieu le Fils, à apprendre en Lui à devenir fils d’un même Père et à nous recevoir comme des frères.
C’est ainsi que la justice divine, qui est cet ajustement à Dieu, permet l’accomplissement de la justice humaine et de la véritable équité dont nous avons tant soif. En ce temps de l’Avent où nous préparons nos cœurs à la venue de l’Enfant-Dieu, devenons des justes, des ajustés, comme Marie et Joseph qui surent accueillir l’Amour fait chair au sein de leur amour.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.