Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Notre-Dame de Paris
Notre-Dame de Paris (4e) - Dimanche 10 mars 2019
– 1er dimanche de carême - Année C
- Dt 26, 4-10 ; Ps 90,1-2.10-15 ; Rm 10,8-13 ; Lc 4, 1-13
Le Diable a épuisé toutes les formes de tentations nous dit cet évangile. Il s’agit des tentations qui traversent Jésus Fils de Dieu en tant qu’il a assumé notre humanité. Elles rejoignent les tentations les plus fondamentales qui touchent notre vie humaine. Elles concernent la vie, Dieu et l’amour. C’est-à-dire les trois sujets qui permettent à notre humanité d’entrer dans le salut de Dieu. Ce Salut nous est accessible assez facilement si l’on en croit saint Paul : « Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé » (Rm 10, 9).
La première tentation concerne la vie et la mort. En effet, le Diable vient tenter Jésus alors qu’il est sur le point de mourir. La thèse d’un ami médecin m’a permis de comprendre ce que veut dire cette phrase de l’évangile : « Après 40 jours, Jésus eut faim ». Quand nous jeûnons seulement avec de l’eau nous souffrons pendant trois ou quatre jours le temps d’équilibrer le sucre circulant. Ensuite, la faim disparaît grâce à l’équilibre qui se produit quand le corps puise ses réserves de sucre dans les muscles dans le foie. Au bout de 30 jours ou 40 jours pour les plus vigoureux, la faim réapparaît signifiant que toutes les réserves sont épuisées et que la personne va mourir. C’est la faim de la mort. Cette tentation du Diable de changer les pierres en pain revient à demander à Jésus d’échapper à la mort. C’est la même tentation qu’il a entendu le jour de sa Passion : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ! » (Mt 27, 40).
La deuxième tentation concerne notre rapport à Dieu. Elle porte sur l’idolâtrie, c’est-à-dire la manière dont nous nous éloignons du Seigneur pour servir nos ambitions, notre soif de gloire et de reconnaissance. Le Christ ne va pas tirer sa gloire des vanités humaines. Sa descente au plus bas de notre humanité nous indique où nous devons rechercher la gloire qui vient de Dieu, celle qui a un poids d’éternité. Le jour des Rameaux, la foule l’acclame. A d’autres moments, le peuple voudra le faire roi, mais Jésus se dérobera. Il sait où se trouve la vraie gloire : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Les sages et les savants sont les arrogants, les prétentieux qui croient pouvoir se passer de Dieu. Jésus sur la croix est revêtu de la Gloire de Dieu qui est d’aimer jusqu’au bout.
La troisième tentation porte sur l’amour. Nous avons toujours besoin de savoir jusqu’où ceux qui nous aiment sont capables d’aller en raison de cet amour. Tenter Dieu, c’est ne pas avoir confiance en lui et le mettre à l’épreuve. Jésus ne tentera pas son Père même au comble de l’angoisse. A Gethsémani, au cœur de la déréliction la plus profonde, Jésus demandera à son Père de lui épargner l’horrible souffrance de la croix. Et pourtant, il termine sa prière par un abandon confiant : « Non pas ma volonté mais la tienne » (Lc 22, 42).
En ce premier dimanche de carême nous voyons le combat que nous avons à mener. Nous avons toujours à choisir la vie, mais cette vie dépasse infiniment son expression organique. Voilà pourquoi toute vie est sacrée. Si Jésus a accepté de passer par la mort, lui qui est le Fils de Dieu, c’est pour nous montrer que même dans la déchéance la plus totale, la vie la plus fragile, il faut reconnaître la présence divine. Après avoir choisi la vie, il faut aussi choisir celui qui en est la source : Dieu. Le carême nous permet de remettre le Seigneur au centre de nos existences. C’est une bénédiction. Ne passons pas à côté. Enfin, il nous faut faire un acte de foi, c’est-à-dire une confiance totale en l’Amour de Dieu qui nous accompagne partout et toujours quelles que soient les épreuves, dans les moments heureux ou douloureux de notre vie.
Les tentations de Jésus nous replacent face à l’essentiel : la vie, Dieu, l’amour. Ce sont les tentations les plus terribles qui traverseront toujours notre existence. En contemplant le combat du Seigneur, nous aurons à cœur d’accueillir le don de l’Esprit-Saint qui nous permet de choisir la vie, d’adorer Dieu et d’accueillir l’amour pour en vivre à notre tour. La Résurrection de Jésus est sa victoire pour notre Salut.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.