Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe des étudiants d’Île-de-France
Saint-Sulpice (6e) - Mardi 12 novembre 2019
– Voir l’album-photos de la messe des étudiants.
– Sg 2, 23 – 3, 9 ; Ps 33 (34), 2-3, 16-17, 18-19 ; Lc 17, 7-10
Alors, comme cela, nous sommes de simples serviteurs ? Sommes-nous des fonctionnaires zélés de la mission, de simples « faire-valoir » de Dieu ? Nous n’avons fait que notre devoir, dit le Seigneur. Il semble bien que cela ne nous satisfasse pas.
Quand le Seigneur parle de devoir de quoi s’agit-il exactement ? Souvent nous comprenons le devoir comme un devoir à faire. Je dois faire ceci parce que c’est bien ou je dois faire cela parce que c’est dans l’ordre des choses. C’est un peu comme cela qu’on envisageait ce qu’on appelait le devoir d’état. Mais cela ne passe plus ! Il me semble que ce n’est pas de ce genre de devoir dont le Seigneur a parlé. Il ne s’agit pas de devoir faire mais de devoir être. Oui il s’agit d’être à l’image de Dieu, de rejoindre notre être profond. Nous devons être à l’image du Christ qui s’est fait serviteur : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir » (Mc 10,45). Il nous révèle ce que veut dire être à l’image de Dieu. Jésus, Fils unique de Dieu, « de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti prenant la condition de serviteur » (Ph 2,6-7). Le lavement des pieds nous rappelle jusqu’où va ce service. Jésus ne lave pas les pieds de ses disciples parce que c’est nécessaire ou parce qu’ils sont méritants. Tous vont l’abandonner dans quelques instants. Il lave même les pieds de Judas, le traître. Il s’agit donc d’un acte d’amour. Fondamentalement, le service du Christ est une révélation de l’amour. De l’amour de Dieu, de l’amour infini, de l’amour qui nous configure au Christ et nous fait entrer dans la communion divine. C’est le moteur de toutes nos actions.
Ce n’est donc pas un devoir comme une nécessité légale. C’est un devoir comme une nécessité vitale. C’est un devoir qui nous fait entrer dans la vie. Le lavement des pieds est le premier acte d’amour de Jésus qui en prépare un plus grand encore : le don de son Corps et de son Sang dans l’Eucharistie. Cette Eucharistie est la manifestation du don qu’il fait de sa vie pour notre salut : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13). Quand il nous dit : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22,19), il ne s’agit par d’un devoir de commémoration, comme le fait de ranimer la flamme du soldat inconnu pour se rappeler le sacrifice des ceux qui ont préservé notre liberté. Il s’agit de rendre présent, là où nous sommes, l’acte d’amour qui nous sauve et se perpétue dans l’éternité. Autrement dit, venir à la messe n’est pas un devoir, c’est une réponse d’amour à l’amour du Christ qui se manifeste encore et toujours en nous donnant à manger sa Chair et son Sang. Si l’amour est en vous, vous venez à la messe pour y trouver votre joie. Si vous venez par obligation, par devoir, vous risquez de passer à côté de l’essentiel et c’est pourquoi vous vous ennuyez à la messe.
Maintenant, il vous faut devenir des témoins, c’est-à-dire des missionnaires. Pas des missionnaires par devoir, mais par amour, des missionnaires de l’amour. Dans un monde individualiste où tout le monde revendique ses droits sans tenir compte de ses devoirs, nous devons témoigner de ce devoir d’amour par notre vie. Servir par amour, c’est être témoin du Christ. Puisque l’écologie nous apprend à sortir de l’égoïsme mortifère et nous rappelle notre responsabilité collective envers la Création, nous devons aussi intégrer comment la vie spirituelle nous fait passer d’un acte d’amour personnel : « Je me donne à toi, mon Seigneur » à une louange commune qui nous engage tous ensemble lorsque nous disons : « Notre Père ». C’est de cet amour plus large que nous-mêmes dont il faut témoigner.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.