Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe de la Sainte Trinité à Saint-Germain l’Auxerrois
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 7 juin 2020
– Sainte Trinité – Année A
- Ex 34, 4b-6.8-9 ; Dn 3,52-56 ; 2 Co 13,11-13 ; Jn 3,16-18
Nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Dès le début de notre vie chrétienne, nous sommes plongés dans cette communion divine qu’on appelle la Sainte Trinité. Voilà un terme étrange qui n’existe que dans notre religion. Ce mot est en fait une contraction : tri-unité. Pour le dire de manière vulgaire Trinité veut dire : trois qui ne font qu’un. Nous croyons tous que Dieu est unique car il ne peut y avoir qu’une seule source d’existence. Tous nous recevons notre vie d’autrui mais à l’origine il y a forcément un être par lui-même existant, qui se donne à lui-même la vie, qui est lui-même la vie. Dieu est unique. Cela implique souvent pour nous une compréhension numérique. Or cela veut simplement dire : il n’y a pas d’autre dieu que Dieu. Que Dieu soit unique nous fait penser qu’il est solitaire, qu’il est inaccessible, qu’il est impossible d’entrer dans une relation d’intimité avec lui. Or, Jésus nous a révélé que Dieu est unique dans sa nature divine mais qu’il est une communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. Dieu est fondamentalement une relation d’amour où chaque personne divine n’existe qu’en se donnant. Voilà pourquoi tout ce qui existe depuis les particules élémentaires jusqu’à nos relations interpersonnelles n’existe que dans la relation. Cette relation dont nous faisons l’expérience ici-bas nous permet de comprendre que nous sommes faits pour entrer dans cette communion avec Dieu fondée sur l’amour.
Mais, vous l’avez remarqué, nous avons commencé cette célébration par un signe de croix avec lequel nous prononçons cette communion divine : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Quel rapport y a-t-il entre la croix et la Trinité ? Il s’agit de la croix du Christ, de la croix de Jésus, de la croix du Fils. En prenant notre humanité, il assume en serviteur notre vulnérabilité et notre condition mortelle même si la nature divine en lui ne peut pas mourir.
Dans cet évangile, il est une phrase qui peut nous réjouir mais aussi nous choquer profondément : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». L’amour infini de Dieu nous réjouit mais pourquoi envoie-t-il son Fils à la mort ? Quel est le père digne de ce nom qui enverrait son enfant subir cet épouvantable supplice de la croix ? Ne pouvait-il pas y aller lui-même ? Ces questions ne sont pas forcément blasphématoires. Elles méritent vraiment qu’on s’y arrête. Pensez-vous vraiment que Dieu le Père a envoyé son Fils au casse-pipe ? Jésus nous a révélé l’indéfectible unité qui existe entre lui et son Père dans l’Esprit : « Le Père et moi, nous sommes un » « Qui m’a vu a vu le Père ». Cette communion divine fondée sur l’amour est inséparable, inaltérable : « Le Père est Père, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Fils ; le Fils est Fils, non par rapport à lui-même mais par rapport au Père. De même, le Saint Esprit ne se réfère pas par rapport à lui-même, mais au Père et au Fils parce qu’il est appelé l’Esprit du Père et du Fils. …C’est pourquoi nous déclarons et croyons cette Trinité inséparable et distincte » (IIe Concile de Tolède, 675). Cela signifie que lorsque Jésus est sur la croix, le Père est avec lui. Dans l’amour, c’est-à-dire dans la communion de l’Esprit Saint, il participe à tout ce qu’il vit de manière particulière et intime. Même si Dieu dans sa substance divine ne peut ni souffrir ni mourir, comme Jésus assume notre condition humaine, c’est toute la Trinité qui est en communion avec lui. Comment comprendre alors que celui que nous voyons souffrir c’est Jésus seulement ?
Je vais faire comme Jésus. Je vais prendre une analogie pour faire comprendre humainement ce qui nous est naturellement inaccessible. Je suis en train de vous parler. Ce qui vient jusqu’à vous, c’est ma parole. Moi je reste à l’ambon. Et pourtant, je suis totalement impliqué dans ma parole. En vous parlant de Dieu comme je le fais c’est toute ma personne qui s’implique, c’est le résultat de toute ma vie que je vous livre dans ces mots que je vous dis. Je vous livre ma parole mais en elle c’est moi tout entier qui vient jusqu’à vous. Ainsi du Père et de l’Esprit. Le Logos, la Parole de Dieu s’est faite chair par amour pour pouvoir communiquer la vie éternelle à tous ceux qui voudront bien l’accueillir. Mais c’est Dieu tout entier qui se livre dans cette Parole. C’est pourquoi notre vocation est d’entrer dans cette communion d’amour du Père, du Fils et du Saint Esprit.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.