Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à St Germain l’Auxerrois (huis-clos)
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 7 février 2021
– 5e dimanche du Temps Ordinaire – Année B
– à huis-clos
- Jb 7,1-4.6-7 ; Ps 146, 1.3-7 ; 1 Co 9,16-19.22-23 ; Mc 1,29-39
La pandémie a pris à contre-pied une société sûre d’elle-même qui était persuadée de pouvoir vaincre la maladie et même la mort. Nous étions dans l’insouciance et même une certaine arrogance vis-à-vis de la nature humaine, puisque nous nous sommes autorisés à faire des chimères embryonnaires dans l’illusion d’engendrer la vie en enjambant allègrement la nature humaine. On défend la nature uniquement quand il s’agit des plantes et des animaux... Il est étonnant de constater que notre désarroi n’a pas arrêté cette prétention avec la poursuite frénétique des lois sur la bioéthique.
D’un autre côté, on pourrait être rassuré de voir que la vie est plus importante que le profit. C’est pour cela que l’on a paralysé l’économie. Oui, ce pourrait être rassurant. Cependant la vie que l’on défend est surtout la vie biologique. Mais la vie n’est pas seulement la biologie. Ce qui fait la vie, ce sont les rencontres, les relations personnelles, les services que l’on rend et que l’on reçoit, les manifestations de tendresse de ceux que l’on aime. Et ceci a bel et bien souvent disparu.
Regardons ce pauvre Job. Il est terrible son cri de détresse : « La vie de l’homme sur terre est une corvée » (Jb 7,1). Ni la nuit ni le jour il ne trouve la paix. Sa femme le méprise, ses amis voudraient le consoler sans le comprendre et il en vient même à souhaiter la mort : « La mort plutôt que ma carcasse ! » Que lui proposerait notre société aujourd’hui ? Le suicide assisté ? Une demande d’euthanasie au nom de sa perte de dignité ? Eh bien, ce qui est extraordinaire, c’est que malgré cette terrible souffrance, il peut s’adresser à Dieu : « Souviens-toi Seigneur. » Quand un homme peut encore s’adresser à Dieu, c’est qu’il n’a pas perdu sa dignité. Quand le monde nous juge indignes, il nous reste à nous rappeler que nous sommes à l’image de Dieu quoiqu’il arrive et que notre dignité vient de là.
Là où la société prône la mort comme solution des problèmes, Dieu prône l’amour.
Regardons Jésus dans l’Évangile. Il se dépense sans compter pour tous les gens qui viennent à lui, accablés de souffrances. Mais il n’a pas oublié la source de l’amour, son Père, qu’il rejoint la nuit dans la prière. C’est cela, la véritable dignité.
Il y a tant de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui semblent totalement perdues. Pourtant, leur conjoint, leurs proches, continuent de s’en occuper par amour. J’en conclus que la seule dignité de l’homme est d’être aimé jusqu’au bout. Et que la seule liberté de l’homme est d’aimer jusqu’au bout.
C’est le message que le Christ a transmis par sa Parole et par toute sa Vie. Nous venons de l’entendre dans l’évangile. Voilà pourquoi saint Paul, bouleversé par ce message, peut s’écrier : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile » (1 Co 9,16).
Comme l’apôtre des nations nous devons être des baptisés conséquents. Nous aussi, nous devons entendre cette parole de Jésus : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21). Comme pour saint Paul, c’est une mission qui nous est confiée pour que, libres à l’égard de tous, nous nous mettions au service de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Notre mission est d’annoncer l’amour de Dieu pour nous et le salut du monde. Lui seul nous établit dans la dignité afin que nous puissions à notre tour aimer en vérité.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.