Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à St Germain l’Auxerrois - 4e Dimanche de Carême
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 14 mars 2021
– 4e dimanche de Carême – Année B
– à Huis Clos
- 2 Ch 36,14-16.19-23 ; Ps 136, 1-6 ; Ep 2,4-10 ; Jn 3,14-21
« La lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière » (Jn 3,19). De quelle lumière s’agit-il ? Nous connaissons la lumière du soleil, la lumière de nos lampes. Nous savons que cette lumière est indispensable pour voir quelque chose. Sans la lumière, nos yeux ne servent à rien. Je connais un prêtre vietnamien qui a été enfermé sept ans dans un cachot sans lumière. Quand il en est ressorti, il était aveugle.
Ceci est vrai pour les choses visibles. C’est ainsi que fonctionne la science. Nous observons ce qui nous entoure, puis nous tirons de ces observations des lois physiques, chimiques et mathématiques. Quand il s’agit de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit nous devons nous aider d’instruments pour voir, les microscopes ou les lunettes astronomiques.
Mais les choses invisibles ? Comment les connaître ? Quelle sera la lumière qui nous permettra de les saisir ? Là ce n’est plus le rôle de la science et de sa méthode fondée sur l’observation, l’expérience et la mise en équation. C’est le rôle de la religion. Religion vient de RELIGARE qui veut dire relier. Il s’agit de relier le visible et l’invisible, le transcendant et l’immanent, le Ciel et la terre, Dieu et sa création, en particulier l’homme. Il y a chez l’homme l’intuition d’une réalité invisible, plus grande que lui, inatteignable et qu’il appelle ordinairement Dieu.
Alors comment connaître Dieu ? Quelle lumière nous permettra de le voir ?
Notre intelligence ? Elle peut seulement dire qu’il doit exister une réalité à partir de laquelle tout existe. Puisque personne ne tient son existence de soi-même, il doit bien exister à l’origine quelqu’un de qui tout procède. Quelqu’un qui existe par lui-même.
Mais ce travail de l’intelligence ne nous dit pas qui Il est vraiment.
Certes, des hommes ont parlé en son Nom. Ils ont dit des choses de sa part. Ce sont les prophètes. Mais ce qu’ils nous disent n’est qu’une connaissance indirecte. Nous sommes encore dans les ténèbres. Un peu comme dans un tunnel. On est dans le noir, on croit vraiment que cela débouchera sur la lumière, mais ce n’est pas encore la lumière. C’est l’espérance de la lumière.
Le Christ est la vraie lumière car il est Dieu. On l’appelle le Verbe de Dieu. Il est son expression, sa pensée, sa parole et ses actes. En observant sa vie terrestre, ses actes de guérison, sa maîtrise de la nature, sa puissance sur la mort, nous pouvons comprendre qu’il nous a révélé ce qui est la clef de la véritable connaissance de Dieu : Dieu est amour. Ainsi, ce n’est pas par nos propres forces ce que nous arriverons jusqu’à Dieu comme le rappelle saint Paul : « C’est par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2,8).
Toute la vie chrétienne consiste donc à passer des ténèbres à la lumière, à se laisser aimer, à se laisser transformer par l’amour pour aimer à notre tour. Se sauver soi-même est une illusion mortifère. Tout ce qui nous abîme, les mensonges, la jalousie, la cupidité, la perversité obscurcit les yeux de notre âme et nous empêche de voir la lumière de l’amour de Dieu.
Ce sont les ténèbres dont parle Jésus, lui qui est « la vraie lumière qui éclaire les nations » comme le dit le vieillard Siméon au Temple de Jérusalem quand il prend l’enfant dans ses bras (Lc 2, 32). Puissions-nous nous aussi accueillir cette lumière qui conduit à la Vie.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.