Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à St Germain l’Auxerrois - 5e Dimanche de Carême

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 21 mars 2021

– 5e dimanche de Carême – Année B
 à Huis Clos
- Jr 31,31-34 ; Ps 50,3-4.12-15 ; He 5,7-9 ; Jn 12,20-33

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas ». Mourir ? Est-ce vraiment une perspective enthousiasmante ? Sans doute, vous voudriez plutôt être immortels ? Il est vrai que la pandémie mondiale nous a fait prendre conscience brutalement que nous sommes mortels.

Il y a quelque temps, certains augures prévoyaient la réalisation du mythe de Gilgamesh, de la conquête humaine de l’immortalité. Des scientifiques, spécialistes de nanotechnologie travaillaient à un système immunitaire bionique composé de millions de nano robots qui se chargeraient de réparer nos corps et de ralentir le vieillissement.

Avez-vous songé à votre vie si elle était prolongée à l’infini ? Que souhaitons-nous vraiment ? De pouvoir plier les genoux sous le menton, toujours ? D’être capable de penser toujours ? De jouer aux jeux de société, toujours ? De faire du sport, toujours ? De respirer toujours ? De cuisiner, toujours ? Tout cela nous lassera vite. Je me vois mal faire toujours le même sport, toujours la même lecture, éternellement les mêmes gestes. La routine nous ennuie, nous use.

Nous avons besoin de changer parce que nous sommes toujours inassouvis et nous avons le sentiment de pousser toujours le rocher de Sisyphe sans jamais atteindre le sommet. Nos désirs, une fois réalisés, nous laissent insatisfaits. C’est pourquoi quand je prêche sur la vie éternelle, on me répond : « L’éternité c’est long… » Car nous sommes des éternels insatiables, toujours en deçà de notre désir. La seule chose dont on voudrait ne pas se lasser, c’est l’amour. C’est lorsque nous aimons que nous avons vraiment un sentiment de plénitude. Pourtant, il arrive parfois que l’amour finisse par se faner. Pourquoi ? Parce que nous ne savons pas aimer.

Car pour aimer, il faut mourir. Mourir à soi-même. Depuis la prime enfance, tout nous pousse à nous placer au centre du monde. Jésus vient de nous dire : « Si le grain de blé tombé en terre ne meure pas, il reste seul » (Jn 12, 24). L’égocentrisme qui conduit à l’égoïsme nous isole et nous conduit inexorablement à la solitude. Mais Jésus ajoute : « Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Mourir à soi-même conduit à s’extraire de soi pour aimer : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Donner sa vie, c’est ne pas la garder pour soi, c’est mourir à soi-même.

Pourquoi donc mourir à soi-même ? Pour vivre de la vie éternelle qui commence déjà dès que nous sommes entrés dans l’amour de Dieu. Toute la vie chrétienne consiste à laisser entrer en nous un amour plus grand, l’amour de Jésus pour que notre cœur batte au rythme du cœur de Jésus : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Ce n’est plus mon cœur qui bat et qui aime, c’est le cœur de Jésus qui bat en moi, qui aime et m’apprend à aimer. Ce jour-là, nous sommes entrés dans la vie. Nous devons comprendre que l’éternité avec Dieu n’est pas un éternel recommencement fastidieux, c’est un déploiement éternel, un désir sans cesse comblé, une plénitude.

Jésus va lui-même vivre cet abandon, cette confiance totale dans les mains du Père : « Sauve-moi de cette heure » (Jn 12,27), il s’agit bien sûr de l’heure de sa mort humaine. Si Jésus accepte de vivre ce moment, c’est pour nous montrer que l’amour traverse la mort pour rejoindre la Vie, cette Vie qui ne s’éteindra jamais parce que le véritable Amour ne s’éteint jamais.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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