Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe du soir de Pâques à St Germain l’Auxerrois
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 4 avril 2021
– Pâques, Résurrection du Seigneur
Messe du soir de Pâques à huis-clos
- Ac 10,34a.37-43 ; Ps 117,1-2.16-17.22-23 ; Col 3,1-4 ; Lc 24,13-35
Deux hommes marchent tout tristes. Où sommes-nous ? Dans les rues de Paris. Ces deux hommes parlent des événements après le discours du Président de la République : « Et nous qui espérions nous déconfiner ». Ils espéraient ? Cela veut dire qu’ils n’espèrent plus.
Voilà le sort des hommes, voilà leur tristesse. Ils n’ont plus d’espérance. Quel était donc cet espoir déçu ? Un espoir étriqué, rabougri. Au fond, nos espoirs sont d’autant déçus qu’ils sont tout petits. Alors qu’en nous il y a une force inouïe, une liberté inimaginable qui fait que même enfermés, emprisonnés, nous pouvons voyager et explorer le monde infini de nos pensées, de nos rêves, de notre cœur capable d’aimer et d’abolir toute distance.
Et nous voilà maintenant avec ces deux pèlerins d’Emmaüs. Clophas et son compagnon. Nous connaissons le premier. Il est ce fameux époux de Marie, mère de Jacques, Joset, Siméon et Jude qu’on appelle frères de Jésus à la mode orientale, c’est-à-dire ses cousins. En effet, Hégésippe, un juif converti au christianisme proche de la famille de Jésus, affirme que Clophas était le frère de saint Joseph.
Ecoutons les : « Nous qui espérions qu’il allait délivrer Israël ». Délivrer Israël des romains, alors que le Christ est venu pour ouvrir les portes du Ciel, pour nous permettre d’entrer en communion avec Dieu, son Père. Vraiment, à toutes les époques nos espoirs sont lamentablement rétrécis.
Mais Dieu est bon. Il chemine avec nous pour élargir notre désir, pour amplifier nos espoirs, pour nourrir notre espérance. Il chemine, et c’est pourquoi Jésus ouvre leur cœur aux Ecritures qu’ils connaissent mais dont ils ne voient pas l’immense portée.
Aujourd’hui aussi Jésus chemine avec nous. On m’interroge sur le silence de Dieu en ce temps de pandémie. Jésus et là, il marche avec nous. Mais nous sommes aveuglés, incapables de le reconnaître, obnubilés par nos soucis, nos espoirs déçus, notre vision trop courte, même si parfois nos cœurs sont tous brûlants comme ceux de ces pèlerins.
Ils vont le retenir. Il accepte leur accueil. Leur hospitalité va leur permettre d’ouvrir leurs yeux. Nous nous rappelons cette parole de Jésus : « J’étais un étranger vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35). Sommes-nous capables d’accueillir ? Jésus est là, il frappe à notre porte : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe. Si tu m’entends si tu m’ouvre j’entrerai et je prendrai la sainte Cène avec toi » (Ap 3, 20).
La sainte Cène ? Justement, c’est à la fraction du pain qu’ils vont reconnaître le Christ. Vous savez sans doute que la « fraction du pain » était le premier terme des chrétiens pour désigner la messe. C’est à la messe qu’il faut le reconnaître. C’est là où il se donne à voir.
Comment comprendre que Jésus ressuscité est le même et qu’en même temps il est tout autre ? Identité et altérité. A la Résurrection il est le même en tant qu’homme. A la Résurrection il est tout autre en tant que Dieu.
Et voilà pourquoi au baptême nous devenons cet « homme nouveau » qui rejoint Jésus dans son identité et dans son altérité. Nous restons homme et devenons Dieu dans le Fils.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.