Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe de l’Assomption de la Sainte Vierge Marie

Sanctuaire de Lourdes - 15 août 2021

- Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab ; Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16 ; 1 Co 15, 20-27a ; Lc 1, 39-56

La Sainte Vierge Marie monte au Ciel avec son corps et son âme. Telle est notre foi que nous fêtons solennellement aujourd’hui. Comment comprendre ce grand mystère ?

L’âme, pour les grecs, c’est le principe de vie qui organise tous les êtres vivants.
L’âme, pour les hébreux, c’est l’âme vivante qui vient du souffle de Dieu invariablement liée au corps comme nous le lisons dans le livre de la Genèse (Gn 2, 7).

Nous croyons que l’homme possède une âme spirituelle directement créée par Dieu. Cette âme, capable de Dieu, de le connaître, de le contempler, d’entrer en relation avec lui, retourne à Dieu au moment de la mort corporelle.

Nous avons plus de mal avec notre corps, ce corps charnel, et pourtant… Ce corps est magnifique, non parce que nous serions des étalons sculpturaux ou des mannequins à la plastique irréprochable, mais parce que le Verbe s’est fait chair, parce qu’en Jésus, Dieu lui-même a habité ce corps humain. Il a assumé ce corps avec ses limites, ses faiblesses, ses souffrances, sa mort pour le transfigurer dans la gloire de sa Résurrection.

Nous croyons ainsi que notre corps, qui nous permet d’entrer en relation les uns avec les autres, ressuscitera comme le corps que Jésus, le Fils de Dieu, a assumé. Notre corps n’est pas destiné à partir définitivement en fumée dans un crématorium, ni à être rongé par les vers.
Notre corps, qui a porté et exprimé notre vie est appelé à rejoindre la communion d’amour en Dieu, c’est-à-dire la Trinité dans laquelle l’humanité du Verbe est présente depuis l’ascension de Jésus à la droite du Père.
Notre corps, abîmé, blessé par le péché, la maladie, la vieillesse, sera transfiguré par l’amour divin. Chacune de nos blessures, chacune de nos limites, chacune de nos rides se présente comme une ouverture pour aimer plus encore.

Face aux blessures et à la mort de son fils, la Vierge Marie s’est laissée transpercer non pas tant par l’injustice et la cruauté des hommes mais par le glaive de l’amour divin, de cet amour qui donne tout. Et c’est dans cet amour qu’elle se laisse assumer entièrement, corps et âme.

Connaissez-vous le poème d’Aragon chanté par Jean Ferrat : « La Femme est l’avenir de l’homme » ? Je ne sais pas si ces poètes en avaient conscience, mais ils sont véritablement de grands prophètes. Aujourd’hui nous fêtons notre avenir. C’est Marie qui accomplit aujourd’hui ce que sera notre avenir.

Quand le Christ reviendra, nous serons avec Dieu corps et âme, comme Marie. Comme nous l’affirme saint Paul : « Au retour du Christ les hommes ressusciteront. Tous recevront la vie ».
Voilà pourquoi Marie est l’avenir de l’homme car son Assomption réalise notre vocation : celle d’aimer et de se laisser aimer plus profondément que le mal, le péché et la mort. Marie est notre chemin, « La première en chemin », comme nous le chantons souvent.
En effet, elle accueille le Verbe de Dieu : nous accueillons le Corps du Christ à l’eucharistie.
Elle donne son « oui » librement : nous aurons à entrer dans la liberté qui nous donne de suivre le Christ.
Elle pose une question qui n’est pas un doute : nous devons former nous aussi notre intelligence.
Elle médite toutes choses dans son cœur : nous avons à scruter la Parole de Dieu pour en vivre
Elle pose un acte de foi : nous aurons à le faire comme elle.
Mais surtout, elle laisse en elle s’exprimer l’amour. Dieu nous a créés par amour et la vocation de l’homme, c’est l’amour. C’est cet amour qui la pousse vers Elisabeth, sa cousine. Cette charité toute simple qui lui fait dépasser les questions que pose sa propre grossesse pour se mettre au service.
Cet amour « comme Jésus » lui donne d’aimer comme Dieu lui-même. Cet amour rayonne, diffuse, il est contagieux.
Voilà pourquoi Marie exulte dans son Magnificat. C’est cet amour dont parle Jésus quand il nous dit : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ».

+Michel Aupetit,
archevêque de Paris

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