Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 5 septembre 2021
– 23e dimanche ordinaire - Année B
- Is 35, 4-7a ; Ps 145 (146), 6c-7, 8-9a, 9bc-10 ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37
Il faut reconnaître que ça commence plutôt mal. Le prophète Isaïe nous dit : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient » (Is 35,4). La vengeance, nous la connaissons. Elle est la source de tous les conflits, des guerres, de la violence. Bref, la vengeance est le signe de notre inhumanité. Alors ? Ici, il s’agit de la vengeance de Dieu qui est tout autre chose que ces misérables rancœurs qui nous rongent l’âme et nous conduisent aux pires excès. La vengeance de Dieu, nous venons de l’entendre, c’est que « les aveugles voient, que les sourds entendent, que les boiteux bondissent, que les muets parlent ». « La vengeance de Dieu, c’est le Christ » affirme saint Jérôme. C’est donc la seule vengeance qui soit permise aux chrétiens.
« Effata » ! Ouvre-toi ! Oui, Jésus accomplit la vengeance de Dieu : Il ouvre les yeux des aveugles, l’oreille des sourds, la bouche des muets. Mais il ouvre aussi nos cœurs fermés, confinés dans nos petites certitudes étriquées. Surtout, Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauve », nous ouvre un avenir nouveau qui dépasse largement notre vision limitée d’un salut réduit à la bonne santé qui n’est en réalité qu’un sauvetage pour échapper temporairement à la mort. Nous luttons contre la mortalité due à la Covid 19 évaluée à 0,05%, alors que nous sommes certains de notre mort inéluctable à 100 %. La santé est précieuse, le salut est vital.
Jésus n’est pas venu d’abord pour guérir. Il faut bien reconnaître qu’il serait dérisoire que Dieu vienne habiter l’humanité pour jouer les médecins exceptionnels. Jésus nous « ouvre » à la vie divine et nous sauve de la mort éternelle en nous faisant entrer dans la communion d’amour avec Dieu qui dépasse le temps et l’espace.
C’est ce salut universel qu’il nous propose quand il entre dans la Décapole, cette confédération de 10 villes de culture grecque rattachée à la province de Syrie. Nous sommes en territoire païen. Ses gestes peuvent nous paraître étranges. Il s’agit de gestes des thérapeutes connus et décrits dans les traités de médecine grecque. Mais en levant les yeux au Ciel, Jésus rapporte la guérison à son Père et son soupir révèle l’action de l’Esprit Saint.
Tout vient de Dieu.
Jésus agit différemment en terre païenne et en Israël. Les juifs savent, en effet, que la Parole de Dieu accomplit ce qu’elle dit. A Jéricho, il suffit que Jésus dise à l’aveugle Bartimée : « vois » pour que celui-ci retrouve la vue. En terre païenne, il va dépasser les lois juives de pureté rituelle pour faire ce que lui demandent ces étrangers. Son salut est bien universel : en touchant ce sourd-muet, il surpasse la loi de Moïse qui interdit aux juifs tout contact avec les païens. En même temps, il signifie que l’évangile transfigure sans la défigurer la culture de chaque peuple.
La connaissance intime de Jésus-Christ qui fait de nous des « disciples » et la certitude de son amour universel pour l’humanité nous conduisent à devenir des « missionnaires » qui offrent à notre société ce que le Christ a apporté en son temps : la guérison, la paix, la joie, la bienveillance, l’amour, la concorde, le pardon et l’amitié de Dieu qui conduisent au salut éternel.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.