Homélie Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 4 octobre 2020
– 27e dimanche Temps ordinaire – Année A
- Is 5,1-7 ; Ps 79, 9-10.13-16a.19-20 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43
On a beaucoup parlé de détournement de biens. Cela donne de retentissants procès qui sont toujours en cours. Il s’agit toujours de s’approprier des biens qui ne nous appartiennent pas.
Et c’est bien d’appropriation illicite dont nous parlent les textes d’aujourd’hui. En fait, l’histoire de Dieu et des hommes que raconte la Bible est une longue suite d’appropriations abusives de la part des hommes.
Tout d’abord, Dieu a confié la terre à l’homme, non pour l’asservir mais pour la servir.
La création lui avait été confiée pour qu’il la fasse grandir et l’embellisse. Mais au lieu d’être un serviteur il est devenu un maître redoutable. L’homme n’est plus un gérant mais un tyran.
Mais la nature se rebelle :
L’appât du gain pille les richesses de la nature. Le changement de climat peut à terme amener à sa destruction. Par souci de rentabilité, nous avons été jusqu’à donner des farines animales à des herbivores, à exploiter le sol jusqu’à l’épuiser, à jouer les professeurs Nimbus en créant des chimères homme-animal. Jusqu’où ira cette folle tyrannie ?
Voilà l’alternative : Gérant ou tyran, gestionnaire ou tortionnaire.
Dieu a confié son Alliance à un peuple choisi pour que l’humanité entre en relation avec lui. Le risque était que ce peuple s’approprie l’alliance, la confisque et en exclue les peuples étrangers. C’est ce que révèle le prophète Isaïe dans la première lecture.
Dieu a confié son Fils, son Unique, son Verbe. En lui, c’est Dieu qui se confie lui-même au monde. Et le monde ne l’a pas reçu. Il l’a crucifié ! Et s’il revenait aujourd’hui, aurait-il vraiment un meilleur accueil ?
Aujourd’hui, Dieu a confié à son Église sa grâce par le don de l’Esprit.
Chrétiens, nous sommes un peuple sacerdotal. Nous offrons à Dieu l’unique sacrifice d’amour qui sauve le monde.
Que faisons-nous de ce trésor ?
Il ne s’agit pas d’entretenir un patrimoine, si beau soit-il.
Il ne s’agit pas de préserver une institution, aussi importante soit-elle.
Il s’agit de partager la grâce de Dieu et de la communiquer à nos frères.
Aujourd’hui à la messe, je reçois Jésus, je reçois son Corps. Suis-je le même en sortant que lorsque je suis entré ? Si je réponds : « Oui, je suis le même », c’est que je me suis approprié ce don de l’amour, je le garde pour moi, je le détourne. Ce Christ que je reçois et qui s’est donné totalement à moi, doit transformer mon regard envers ceux qui m’entourent, et susciter pour eux un intérêt renouvelé, une attention délicate, un geste fraternel authentique.
« Tous frères », la nouvelle encyclique du pape lui est inspirée par saint François d’Assise. Celui-ci n’hésita pas à embrasser un lépreux. Nous admirions ce geste jadis, et aujourd’hui qu’en est-il à l’heure où nous ne voulons plus embrasser nos proches s’ils ont été dans le même lieu qu’une personne « contact » avec un possible malade du Covid ? Que devient la fraternité ?
Les vignerons homicides voulaient s’emparer de l’héritage qui n’appartient qu’au Fils. Mais voilà que, par grâce, ce Fils nous partage son héritage. Par lui, nous sommes devenus fils de Dieu par le baptême qu’il a lui-même instauré. Cet héritage est accessible à tous.
Quel est cet héritage que nous recevons en plénitude ? C’est Dieu lui-même, le trésor éternel de son amour infini que nul ne peut nous prendre mais que nous avons à partager.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris.