L’accueil, discret, de saint Julien, rue Galande

Paris Notre-Dame du 22 juillet 2021

Durant l’été, Paris Notre-Dame vous emmène sur les traces cachées de l’histoire de l’Église à Paris, en compagnie de Gonzague de Brunhoff, guide conférencier diplômé, membre de l’association Communautés d’accueil dans les sites artistiques (CASA). Quatrième et dernier arrêt au 42 rue Galande (5e). Levez la tête : saint Julien l’Hospitalier vous attend.

© Isabelle Demangeat

Le Studio Galande est connu pour diffuser depuis trente-cinq ans le film « culte » The Rocky horror picture show, sorte de mélange de performance et de
film d’épouvante érotique. On ne peut d’ailleurs pas le rater en passant devant, au 42 rue Galande (5e). Une bouche rouge vif, sulfureuse, se mord la lèvre. Au-dessus de cette bouche : le nom du film, dans une écriture sanglante, bave presque sur celui qui s’aventurerait dans l’édifice . On pourrait s’arrêter là. De fait, c’est ce que la majorité des passants font en déambulant dans cette rue médiévale du cinquième arrondissement.
Mais en levant les yeux un peu plus haut, un trésor apparaît : une enseigne est sculptée dans la pierre. Une enseigne c’est cette pancarte, cet objet ou cette gravure qui signalent la position d’un lieu ou d’une activité. Celle-ci est datée du XIVe siècle. « À l’époque, la plupart des gens ne savent ni lire ni écrire, rappelle Gonzague de Brunhoff, guide conférencier diplômé, membre de l’association Communautés d’accueil dans les sites artistiques (CASA). Les enseignes sont le moyen pour les habitants de Paris de se repérer dans la ville. » Elles permettent d’indiquer la localisation d’un commerce ou d’une auberge. On peut voir dessus trois personnes sur un bateau affrontant une eau très agitée. « L’un des personnages est debout, présente Gonzague de Brunhoff. Les deux autres, un homme et une femme, sont assis, en train de ramer. » Au-dessus de la tête de la personne debout, on aperçoit une auréole. Cette auréole indique que c’est le Christ. Pourquoi le Christ et pas quelqu’un d’autre ? Parce que cette enseigne est mentionnée dans des écrits datés de 1380 qui la décrivent comme « représentant saint Julien l’Hospitalier ». L’histoire de saint Julien l’Hospitalier est racontée dans La légende dorée de Jacques de Voragine. Elle a aussi été reprise, plus tard, par Gustave Flaubert dans l’un de ses célèbres Trois contes. Julien est un homme qui, fait chevalier pour ses prouesses au combat, reçoit pour épouse une jeune veuve et un château en dot. Un jour qu’il part à la chasse, il surprend à son retour un homme et une femme couchés dans son lit. Croyant qu’il s’agit de sa femme en compagnie d’un amant, il les tue tous les deux. Peu après, sa femme, revenue de la chapelle où elle était partie prier, lui apprend qu’il s’agissait, en fait, de ses parents venus à sa rencontre. Horrifié par sa méprise et son acte, le chevalier fuit pour faire pénitence. Le couple s’installe alors près d’une rivière où il accueille les pauvres dans un petit hospice. Un jour, Julien recueille un misérable lépreux, mourant de froid. Il allume un feu, le couche dans son
propre lit, le réchauffe, quand, soudain, le lépreux se lève, resplendissant. C’est le Christ qui lui annonce que ses péchés sont désormais pardonnés. « Dans certains récits, Julien aurait fait également traverser, avec son épouse, le lépreux sur le fleuve agité », précise Gonzague de Brunhoff qui explique ainsi la scène sculptée de l’enseigne rue Galande. Selon lui, cette enseigne, « -l’une des plus anciennes de Paris- », indiquait donc auparavant une auberge. La rue, nommée « Galande » en référence à Étienne de Garlande, était devenue un lieu accueillant des étudiants venus suivre des cours dans les nouveaux collèges. Aujourd’hui, quelques étudiants la parcourent encore. Et, clin d’œil, un autre film est à l’affiche du Studio Galande. Son nom : Hospitalité.

Isabelle Demangeat @LaZaab

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