Les cloches de Notre-Dame retrouvent leur beffroi
Paris Notre-Dame du 3 octobre 2024
Les cloches de Notre-Dame de Paris ont regagné une à une leur place en haut du beffroi nord. Une manœuvre aérienne exigeante qui a commencé le 19 septembre. À cette occasion, Paris Notre-Dame s’est glissé dans les coulisses de cette ascension peu commune. Reportage.
Au sommet du beffroi nord de Notre-Dame, posé sur le plancher, Marcel attend patiemment aux côtés de Jean-Marie et d’Étienne. Benoît-Joseph est déjà en place, enveloppé dans une couverture et suspendu au-dessus du vide. « Il nous faudra moins d’une dizaine de jours pour monter les cloches, explique Baptiste, campaniste, autrement dit spécialiste de l’ingénierie des clochers. Depuis leur retour en triomphe à Notre-Dame de Paris le 12 septembre (cf PND 2020), huit cloches, dont deux endommagées dans l’incendie de la cathédrale et aujourd’hui restaurées, sont hissées, une à une, au sommet du beffroi nord, à la hauteur du pignon ouest. Un travail délicat durant lequel les campanistes doivent manœuvrer avec des techniques entre archaïsme et modernité.
Accorder les époques
Depuis plusieurs minutes, Baptiste et son équipe s’affairent autour de Marcel. Le joug – pièce de bois transversale à laquelle la cloche est suspendue et balancée – est mal ajusté. « Il faut vraiment être minutieux, souligne le jeune homme. Lorsque la cloche se balance, la force de poussée est telle que la structure doit supporter dix fois le poids de la cloche ! » L’installation des cloches nécessite le travail et l’expertise d’une douzaine d’artisans. À cette occasion, le dernier étage de la tour nord est transformé en un véritable atelier de fortune. Échafaudages, poutres, poulies et chaînes d’acier envahissent l’espace. Les campanistes doivent travailler quasiment à main nue ou à l’aide de cordages pour manipuler l’ensemble. La scène est assez similaire à celle d’un équipage sur un navire. Chacun connaît son rôle. Entre le bois de la charpente, les chaînes d’acier remplacent le cordage pour hisser haut les cloches. Deux capitaines sont aux commandes : André Voegele, de la société du même nom, et Alexandre Gougeon, de l’entreprise Gougeon, à la tête du groupement formé par cinq entreprises campanaires – Gougeon (Indre-et-Loire), mandataire, Brouillet et fils (Corrèze), Frotey (Haute-Saône), André Voegele (Bas-Rhin) et Chomel Dard (Allier) – chargé de la dépose et de la repose des huit cloches du beffroi nord. C’est au tour d’Anne-Geneviève de monter vers les cieux. Équipés de baudriers et de mousquetons, deux artisans par étage de la tour sont arrimés solidement aux poutres et s’assurent que l’ascension se déroule sans accroc. « Il faut repenser la manœuvre un peu comme à l’époque de la construction de la cathédrale et recouper ces données avec les moyens modernes de levage dont nous disposons, explique André Voegele. On doit s’adapter et jongler entre les moyens modernes et la force des bras. C’est très physique. » Les trous par lesquels la cloche passe ne sont pas alignés, ce qui complique la tâche. Concentrés à l’extrême, les deux chefs de chantier guident les campanistes responsables de la manutention. Un mot suffit pour ajuster la trajectoire de la cloche de quelques centimètres. Par petits à-coups, la chaîne utilisée pour la manutention fait teinter la cloche. Dans un silence de cathédrale, Anne-Geneviève atteint le plancher du beffroi au bout d’une heure de manœuvre. Elle est à son tour posée sur le plancher et enveloppée dans une couverture de protection. Les cloches ne seront pas toutes fixées en même temps en raison des échafaudages. En novembre prochain, les campanistes reviendront pour programmer la sonnerie, qui nécessite une mise en volée des cloches. Mais déjà, du haut du beffroi nord se dessine l’horizon de la réouverture.
Marie-Charlotte Noulens
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