Les Églises chrétiennes inquiètes de la loi « séparatisme »
Paris Notre-Dame du 25 mars 2021
Dans une tribune publiée par Le Figaro le 9 mars 2021, et sur le site de la Conférence des évêques de France (CEF) [1], les représentants des Églises chrétiennes en France font part de leur inquiétude au sujet du projet de loi « séparatisme ». Explications du P. Hugues de Woillemont, secrétaire général et porte-parole de la CEF.
Paris Notre-Dame – Pourquoi une telle tribune ?
P. Hugues de Woillemont – Cette tribune a été un signe fort pour montrer que les Églises chrétiennes, et pas seulement les catholiques, sont inquiètes de ce projet de loi. Au départ celui-ci avait pour but de lutter contre le séparatisme. L’Église comprend bien la volonté du gouvernement de combattre l’islamisme et la radicalisation. Mais nous redisons nos préoccupations – que nous avons déjà exprimées, le président de la CEF, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, ayant été auditionné par la commission des lois à l’Assemblée nationale et au Sénat – quant aux moyens envisagés.
P. N.-D. – Qu’est-ce qui vous inquiète dans ce projet ?
H. W. – La religion catholique s’inscrit depuis plus de 100 ans dans un cadre de relations avec l’État qui lui convient, au sein duquel elle a une présence active dans de nombreux domaines, la foi, mais aussi l’éducation, le soutien aux personnes les plus fragiles. Cet esprit de liberté, qui permet à l’Église d’exercer ses différentes missions, cultuelles, éducatives et de solidarité, nous semble menacé.
Prenons par exemple la question financière : les associations diocésaines s’inscrivent déjà dans le cadre légal de transparence, ce qui manifeste que l’Église n’a rien à cacher. Les diocèses publient leurs comptes annuels, audités par un commissaire aux comptes. Avec ce projet de loi, il y aurait des contraintes supplémentaires sur le contrôle des finances.
Nous nous posons aussi des questions sur le projet d’un « contrat d’engagement républicain ». L’Église catholique exerce déjà l’ensemble de ses activités en respectant les principes fondamentaux de la vie sociale. Qu’est-ce que ce contrat va exiger de plus ? La définition de ses principes semble incertaine, notamment le principe d’égalité homme/femme : évidemment nous vivons ce principe, mais est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir demain des remises en question sur le fait que la messe est célébrée par des hommes ? L’usage de ce contrat républicain par un gouvernement moins démocratique pourrait remettre en cause des libertés fondamentales dont une première est celle de croire et de se rassembler.
P. N.-D. – Redoutez-vous aussi qu’il y ait davantage de stigmatisation des chrétiens dans la sphère publique ?
H. W. – Oui, cette tribune manifeste une inquiétude sur la manière dont la religion chrétienne peut être perçue. Aujourd’hui, il faudrait valoriser son rôle positif. Dans la crise sociale actuelle, on voit bien l’engagement des chrétiens auprès des personnes fragilisées, que ce soit économiquement ou spirituellement. Ils contribuent à construire une société plus juste, plus fraternelle. Au sujet des phénomènes de radicalisation, qui sont complexes à comprendre, l’aspect judiciaire, répressif, est nécessaire mais ne suffit pas. Face aux jeunes qui peuvent se radicaliser, quel sens à la vie offre-t-on ? L’enseignement des religions, le soutien éducatif et social dans des quartiers touchés par la misère, peuvent aider. C’est une parole d’espérance qu’il faut porter.
Propos recueillis par Anna Kurian-Montabone
Sommaire
Consulter ce numéro
Acheter ce numéro 1 € en ligne sur les applications iOs et Android