Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame de Paris
Dimanche 7 septembre 2025 - Notre-Dame de Paris
– 23e Dimanche du Temps Ordinaire – Année C
- Sg 9, 13-18 ; Ps 89 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14, 25-33
Qu’il est beau le mystère de Dieu, qu’il est beau le mystère de l’univers, qu’elle est belle l’histoire de la Création, qu’elle est belle la sagesse que Dieu donne ! « Qui pourrait connaître et comprendre quelque chose à ce mystère si Dieu ne nous avait pas envoyé sa sagesse, s’il n’avait pas envoyé son Esprit Saint », dit en substance le Livre de la Sagesse que nous venons de lire en première lecture. Il se trouve que c’est Dieu lui-même qui nous permet de le connaître et de connaître le mystère de ce monde dans lequel nous sommes. C’est Dieu lui-même qui nous envoie sa sagesse pour comprendre, et en même temps le cœur qui bat dans notre vie pour l’aimer. Il ne s’agit pas simplement de comprendre ce qui fait vivre ce monde, et de le comprendre rationnellement, de le comprendre intellectuellement, mais déjà le Seigneur nous donne cette sagesse et cette raison capables d’observer le monde et d’en découvrir les secrets. Mais il nous donne aussi le cœur et la foi pour entrer dans le mystère de ce qu’il veut faire pour l’univers, pour le monde dans lequel nous vivons et pour nous-mêmes qui vivons dans ce monde. Nous apprenons à connaître, grâce à cette sagesse, à son Esprit Saint et à la foi qu’il met dans nos cœurs, la longueur, la hauteur, la largeur et la profondeur de l’amour de Dieu, de son désir à l’égard de l’humanité, comme le dira plus tard saint Paul. Et cela, nous ne le comprendrions pas si Dieu lui-même n’avait pas voulu se faire connaître à nous. Voilà le mystère que le Livre de la Sagesse nous révèle aujourd’hui. Si nous connaissons Dieu, c’est parce que Dieu le veut, c’est parce que Dieu se donne, c’est parce que Dieu se fait connaître. Et c’est une chance qui nous est donnée. Nous ne pourrions pas entrer dans ce mystère sans Lui. C’est un grand bonheur donc, c’est une grande joie, c’est un privilège qui nous est fait. Et nous adhérons à ce mystère et nous entrons dans ce mystère par la volonté même de Dieu.
Mais il ne s’agit pas simplement de comprendre, il ne s’agit pas simplement de connaître : il s’agit d’aimer à sa manière, il s’agit d’entrer dans son projet, il s’agit d’accepter d’être des disciples de son Fils qui nous a été envoyé pour parfaire cette connaissance de l’amour et de la miséricorde de Dieu. Si le Christ nous propose d’être ses disciples, c’est pour pouvoir répondre à cet amour qui se répand dans nos cœurs par la volonté du Père. Si le Christ nous propose d’être son disciple, c’est pour le suivre sur le chemin de la découverte de l’amour. Le Seigneur Jésus, dans l’évangile que nous venons d’entendre, ce passage de saint Luc, nous le dit assez clairement. Il s’agit de le suivre, il s’agit d’accepter ce qu’il a vécu lui-même, il s’agit de marcher sur ses traces et, comme il le dit, de prendre sa croix, à lui. Sa croix c’est d’apprendre à laisser passer les autres en premier. C’est d’apprendre à découvrir une miséricorde qui sait passer sur le mal qui nous est fait. C’est d’apprendre à découvrir que le don de soi est un don qui coûte : se donner pour ressembler au Christ, se donner aux autres, se donner à Dieu, c’est un don qui coûte cher, qui peut coûter la vie. On n’en sort pas toujours martyr, mais on en sort transformé. Et si j’évoquais au début de cette messe Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis, c’est qu’ils ont été transformés au cours de leur existence. Ils ont accepté d’aimer le Christ et d’aimer disparaître, d’une certaine façon, aux yeux du monde, de ne pas être compris toujours, et c’était très clair pour Pier Giogio Frassati qui n’a pas été bien compris de sa famille, par exemple, mais qui a su se donner aux plus pauvres de Milan, il y a cent ans.
Voilà le chemin qui nous est proposé. Et nous pouvons le comprendre de façon extrêmement concrète aujourd’hui par la deuxième lecture que nous avons entendue, tirée de saint Paul. Un très court billet : le texte le plus bref de saint Paul qui se trouve dans le Nouveau Testament. C’est une lettre personnelle, écrite à un ami, écrite à un frère chrétien, écrite à Philémon. Paul l’a connu dans sa trajectoire et dans ses voyages, il en a fait un ami et un frère en Christ. Or il arrive un épisode très étonnant, c’est que cet homme avait un jeune esclave appelé Onésime, et que ce jeune esclave a probablement eu maille à partir avec son maître Philémon, et il est parti à la sauvette, a quitté le service de son maître craignant certainement des représailles. Mais il est allé trouver Paul, l’ami de Philémon, et s’est mis au service de Paul, qui, vieux et surtout en prison pour le Christ, a besoin de quelqu’un qui lui serve d’intermédiaire avec le dehors, qui lui permette de faire des courses, qui lui permette de l’aider d’une façon ou d’une autre. Il lui a rendu des services et Paul, en retour et par amitié, a fait de lui un chrétien. Il l’a baptisé, ils sont devenus frères dans la foi, pas simplement frères en humanité mais frères par la foi, frères par le Salut que Jésus-Christ apporte à tous les hommes. Et de cette façon, Paul se dit que ce nouveau frère dans la foi mérite d’être renvoyé vers son premier maître pour qu’il l’accueille. Ce qui est extraordinaire, c’est que Paul lui dit : « Tu es libre de l’accueillir désormais comme un homme libre et non plus comme un esclave, parce qu’il est devenu ton frère dans la foi. » Ce qui est extraordinaire et beau, c’est que suivre Jésus, l’aimer, c’est aussi faire des choix de ce genre : c’est renoncer à la maîtrise sur un autre pour en faire un ami et un frère, pour se laisser transformer.
Alors voilà, le grand mystère c’est que Dieu nous donne l’intelligence des choses. Il nous le fait comprendre, ce monde, il nous montre quel est son projet pour tous, pour l’humanité tout entière, et il nous montre le chemin pour arriver à vivre avec Lui, comme Lui, et à s’acheminer vers le Salut et le royaume qu’il nous offre : l’intelligence, le cœur, la réponse d’amour et la liberté, la liberté d’y entrer.
Que chacun de nous se sente toujours appelé par la liberté que Dieu lui donne de choisir la vie qu’il désire pour le service du Père et du Fils, pour le service des frères et des sœurs.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris