Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe de confirmation d’adultes à Saint-Sulpice
Saint-Sulpice (6e) - Samedi 23 novembre 2019
– En la solennité du Christ, Roi de l’Univers
- 2 S 5, 1-3 ; Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6 ; Col 1, 12-20 ; Lc 23, 35-43
Si je vous demande de me citer un roi, vous allez chercher dans vos souvenirs des cours d’histoire : Saint-Louis, Louis XIV, Charles Quint, Elizabeth II et d’autres encore sans doute. Tous règnent sur un territoire particulier : ils sont roi de France, roi d’Angleterre, roi d’Espagne. Aujourd’hui nous fêtons le Christ, roi de l’univers. C’est grand, c’est immense, l’univers. Il faut comprendre que Jésus ne règne pas sur un territoire qu’il faut défendre et protéger, car l’univers ce n’est pas seulement la terre, c’est l’ensemble du monde créé. Pas seulement le monde matériel que nous explorons avec nos télescopes, nos satellites, mais aussi le monde immatériel qui échappe à nos sens : « Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, puissance, principautés, souveraineté, domination, tout est créée par lui pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui » (Col 1, 15-17). Donc, sa royauté n’est pas attachée à un territoire comme il le dit lui-même : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18,36).
Pour un roi le plus important n’est pas son territoire, mais ses sujets. Ceux-là mêmes qui vivent sur ce territoire et qu’il représente. Son rôle est de les protéger, d’en prendre soin, de leur donner tout ce dont ils ont besoin. Un vrai roi doit être capable de mourir pour ses sujets. Jésus le confirme : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11). Si Jésus prend cette image du berger, c’est en référence au roi David qui était un petit berger que Dieu a choisi comme roi de son peuple. Jésus reprend cette image du berger car celui-ci a conduit son troupeau, le mène vers de frais pâturages, connaît chacune de ses brebis, en prend soin, guérit celle qui est malade, va chercher celle qui est perdue.
Voilà donc le vrai roi de l’univers, celui qui donne sa vie pour ses sujets et c’est pourquoi son trône est une croix, un instrument de mort qu’il va transfigurer en un instrument de Vie. C’est bien ce qui se passe dans cet évangile. Ce brigand que l’on appelle le bon larron après avoir reconnu le mal qu’il a pu faire, reconnaît son roi : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23,42). Ce royaume n’est pas pour plus tard mais pour aujourd’hui : « Je te le dis, aujourd’hui, avec moi tu seras dans le Paradis » (Lc 23,43). Pénétrer dans le royaume de Dieu, devenir le sujet de ce roi capable de donner sa vie pour moi par amour, c’est entrer dans une relation personnelle et intime : tu seras avec moi.
C’est cette intimité, cette proximité, cette communion qui manifeste cette royauté : « Le Règne de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17,21). Autrement dit, le royaume de Dieu est déjà là, il ne correspond pas à un territoire particulier. Dieu ne règne que dans nos cœurs. Il faut donc simplement ouvrir nos cœurs à l’amour de Dieu pour entrer dans son royaume. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si tu m’entends, si tu m’ouvres, j’entrerai et avec toi je prendrai mon repas » dit Jésus dans le livre de l’Apocalypse (cf. Ap 3,20). Il nous dit aussi : « Si quelqu’un m’aime, mon Père et moi nous viendrons chez lui et chez lui nous ferons notre demeure ». Dans le Royaume de Dieu, on ne peut régner que par l’amour.
Aujourd’hui, par la confirmation vous avez demandé à recevoir l’Esprit Saint. C’est l’Esprit du Père et du Fils qui vous est communiqué, qui pénètre en vous. Cet Esprit, c’est l’amour que vous accueillez pour apprendre à aimer comme le Christ lui-même. Vous ne serez plus esclaves de passions humaines fluctuantes mais vous deviendrez des maîtres d’amour. Vous saurez reconnaître le Christ dans ce pauvre malade agonisant, dans cet homme en prison, dans cette personne abîmée par le handicap ou dans cet autre en guenilles dont l’odeur vous incommode peut-être. C’est donc une manière de vivre qui rend sujets de Dieu, dès aujourd’hui, dans l’imitation de Jésus Christ. En Lui le Royaume est devenu accessible et il est offert à tous. Telle est « la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu » que Jésus est venu proclamer (Lc 4,43 ; 8,1). Vous en êtes témoins par vos paroles et par votre vie.
Entrer dans le Royaume de Dieu, c’est changer son regard, c’est devenir sujet de celui qui nous apprend à aimer en vérité jusqu’au bout de sa vie et au-delà de la mort.
+Michel Aupetit, archevêque de Paris