Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain-l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 13 septembre 2020

 24e dimanche du Temps ordinaire - Année A

- Si 27,30 à 28,7 ; Ps 102, 1-4.9-12 ; Rm 14,7-9 ; Mt 18,21-35

Ce que nous demande Jésus est démesuré. Qui peut pardonner 70 fois 7 fois ? Pierre en allant jusqu’à pardonner sept fois nous montre jusqu’où peut aller la bienveillance humaine. Essayez donc de pardonner à ceux qui vous ont offensé. Une fois passe encore, deux fois c’est un peu limite. Au bout de trois fois, c’en est trop. La proposition de Pierre nous semblait véritablement le maximum de ce qu’un cœur humain qui aime est capable de faire. Mais Jésus nous emmène beaucoup plus loin et nous nous retrouvons devant notre incapacité à pardonner comme Dieu. Car c’est Dieu et Dieu seul qui peut pardonner 70 fois 7 fois. La démesure se trouve aussi dans la dette de cet homme qui doit 10 000 talents, c’est-à-dire 60 millions de pièces d’argent. Personne ne peut débourser une telle somme. Elle dépasse largement la fortune de Bill Gates ou de Marc Zuckerberg…

En réalité, ce qui est démesuré, c’est l’amour de Dieu. C’est Dieu qui pardonne au-delà de toute mesure quelle que soit la dette que nous contractons envers lui.

La démesure du pardon que nous propose Jésus nous renvoie à la démesure de la vengeance qui s’exprimait dans le livre de la Genèse. Lamek, un descendant de Caïn, celui qui a tué son frère Abel, se vantait de ne rien laisser passer : « Pour une blessure, j’ai tué un homme. Pour une meurtrissure, un enfant. Caïn sera vengé sept fois et Lamek 77 fois » (Gn 4,23-24).

Face à l’extrême violence de la vengeance, il y a l’extrême fécondité de l’amour. Il n’y a pas de juste milieu : ou je pardonne ou je me venge.

Pour faire ce choix il faut que je regarde vraiment ce qui est blessé en moi par l’offense. Si c’est l’orgueil qui est blessé, l’esprit de vengeance envahira mon cœur. Si c’est l’amour qui est blessé, alors le pardon pourra être donné. Il nous faut faire ce discernement car nous avons à vivre de la vie de Dieu. Son amour manifesté au sommet de la croix du Christ est capable de pardonner bien au-delà de ce que nous pouvons espérer. Comme disciples de Jésus, nous devons l’imiter dans la démesure de son amour. Si quelqu’un me blesse, il coupe le fil qui nous relie. Le pardon, c’est le nœud qui rétablit le lien. Mais plus je pardonne, plus il y a de nœuds, plus le fil est court et plus nous sommes proches en Jésus Christ.

Il ne s’agit pas d’effacer les péchés comme s’il n’y avait pas eu d’offense. A la résurrection le Christ a gardé ses plaies qui sont les traces du mal. Il s’agit d’accueillir un amour qui nous dépasse infiniment. C’est alors, et alors seulement que nous pourrons dire en vérité : « Pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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