Repenser l’avenir culturel et liturgique de la cathédrale
Paris Notre-Dame du 7 novembre 2019
Délégué par l’archevêque Mgr Michel Aupetit pour penser le futur aménagement de Notre-Dame, le P. Gilles Drouin, directeur de l’Institut supérieur de liturgie de l’Institut catholique de Paris, pilote l’Atelier Notre-Dame, le groupe de réflexion sur l’avenir liturgique et culturel de la cathédrale.
Paris Notre-Dame – Pourquoi l’archevêque a-t-il souhaité mettre en place ce groupe de travail ?
P. Gilles Drouin – Deux raisons à cela. Dans le drame qui nous arrive, nous bénéficions d’une liberté qu’aucun de nos prédécesseurs n’a eu auparavant, pas même le cardinal Jean-Marie Lustiger, qui a pourtant marqué cette cathédrale en y faisant entrer l’art contemporain. Tout est donc possible, même si tout n’est pas souhaitable, comme le disait saint Paul. L’archevêque a jugé que le caractère exceptionnel de ce que nous vivions nous obligeait à repenser l’avenir culturel et liturgique de la cathédrale. D’autre part, nos partenaires – établissement public, ministère de la culture, ville de Paris – y réfléchissent aussi. Il était nécessaire que nous pensions cette restauration avec eux. En tant qu’affectataire du lieu, nous avons évidemment une voix à faire entendre. Nous en profiterons aussi pour faire une relecture de ce qui fonctionnait et de ce qui fonctionnait moins bien au sein de la cathédrale.
P. N.-D. – Quels sont les axes de réflexion sur lesquels vous allez travailler ?
G. D. – Il y en a quatre. Le premier concerne l’aménagement, le fonctionnement et la symbolique liturgiques. Dans la liturgie, nous donnons à vivre et à voir. L’aménagement d’une cathédrale doit donc être lié à ce qu’on souhaite faire vivre à ceux qui entrent. Pourquoi tant de gens viennent-ils à Notre-Dame ? Qu’est ce qui les attire ? Même si c’est la grâce qui agit, nous devons réfléchir aux conditions favorables pour faire vivre à nos visiteurs une expérience spirituelle, liturgique et touristique. Le deuxième chantier concerne l’accompagnement des visiteurs à l’intérieur de la cathédrale. Dans cette déambulation, que pouvons-nous leur proposer, notamment au niveau des chapelles ? Il y a là une dimension catéchétique mais aussi culturelle et dévotionnelle. Autre chantier, celui de l’environnement immédiat de Notre-Dame : accueil des visiteurs, logistique, peut-être même une dimension muséographique. Le quatrième chantier concerne le lien entre la cathédrale et les églises de l’hypercentre de Paris. Dans une ère de tourisme de masse, on ne peut plus penser la cathédrale sans penser ses répercussions sur les églises du quartier.
P. N.-D. – Dans votre livre Architecture et liturgie au XVIIIe siècle [1], vous évoquez les rapports entre ces deux dimensions. Laquelle influence l’autre ?
G. D. – La relation est réciproque. La cathédrale Notre-Dame possède une forme et un espace particulier, liés à l’époque de sa construction. Au Moyen Âge, on venait ici pour entendre les prédications de l’évêque et vénérer les reliques de saint Marcel. Les chanoines célébraient leur liturgie dans le chœur clos. La suppression des jubés, après le concile de Trente, puis les réformes liées au concile Vatican II ont fait évoluer cette liturgie. En enlevant la grille qui séparait le chœur de l’assemblée, le cardinal Lustiger a souhaité mettre l’évêque au milieu de ses prêtres, selon l’ecclésiologie héritée de Vatican II. Mgr Michel Aupetit souhaite aujourd’hui qu’on travaille le lien entre les prêtres et les diacres, et plus encore le lien entre l’évêque et son peuple. Il faut rester fidèle à l’édifice tout en s’adaptant aux nécessités pastorales actuelles. Ce travail doit être fait avec résolution et humilité. Car si l’Église est l’affectataire exclusif de ce lieu, la cathédrale n’appartient pas qu’aux catholiques. Parce que catholique, elle est ouverte à tous. Nous travaillons ici à quelque chose qui nous dépasse infiniment.
Propos recueillis par Priscilia de Selve@Sarran39
[1] Architecture et liturgie au XVIIIe siècle. Offrir avec le peuple, offrir pour le peuple, éd. du Cerf, mars 2019.
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