Notre-Dame dévoile son futur mobilier liturgique

Paris Notre-Dame du 29 juin 2023

Après avoir recueilli l’avis du comité artistique, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, a fait part, vendredi 23 juin, de son choix de confier à Guillaume Bardet la création du mobilier liturgique et à Ionna Vautrin la réalisation des chaises de Notre-Dame de Paris.

Les deux artistes rejoignent Sylvain Dubuisson, déjà retenu pour réaliser le nouveau reliquaire de la Couronne d’épines du Christ, et tous les artistes chargés de travailler sur le chemin de pèlerinage, le son, la lumière, la vidéo et l’équipement audiovisuel de la cathédrale.

Mise en situation du projet de mobilier liturgique de Guillaume Bardet et des chaises dessinées par Ionna Vautrin, depuis l’entrée.
© D.R.

Une perspective qui joue des contrastes. Contraste des volumes : des chaises en chêne, au dossier assez bas – à mi-hauteur du dos –, soulignant la hauteur majestueuse des voûtes. Contraste des matières et des couleurs : alors que la cathédrale restaurée se pare d’un manteau de pierre claire, blonde et légère à la fois, le bronze se détache et s’impose avec délicatesse, offrant aux regards son relief modelé et sa patine foncée. Vendredi 23 juin, Notre-Dame a retrouvé, « en pensée », son futur autel, les autres pièces de son mobilier liturgique – baptistère, tabernacle, ambon, cathèdre –, et ses assises. Le jour même, en effet, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, a annoncé le nom des artistes choisis : Guillaume Bardet, sculpteur, pour le mobilier liturgique et Ionna Vautrin, designer, pour les chaises. Une étape importante vers la réouverture. « C’est une chose de voir la cathédrale être petit à petit dépourvue de ses échafaudages, confie Mgr Olivier Ribadeau Dumas, recteur de Notre-Dame, c’est autre chose de l’imaginer avec ce mobilier et de visualiser ce qu’elle sera et ce pour quoi elle est faite, à savoir la célébration du culte… Tout cela donne un sens particulier au travail qu’on fait depuis des mois. »
Trois jours plus tôt, le 20 juin, les cinq créateurs finalistes et les deux designers choisis en janvier dernier (PND n°1941) présentaient leurs différents projets devant l’archevêque et le comité artistique – composé de prêtres, de laïcs, de représentants de la Commission diocésaine d’art sacré, du ministère de la Culture, de l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale, de l’architecte en chef des monuments historiques, de théologiens, de liturgistes – pour un grand oral de près de huit heures couronnant lui-même près de neuf mois de labeur. Un temps « relativement long », selon les mots de l’archevêque, pour « réfléchir, s’entourer de nombreuses personnes, accompagner les artistes et permettre à chacun de s’exprimer librement » : « Je suis profondément heureux d’avoir vécu ce temps qui est celui de la maturité. Il me permet aujourd’hui de poser paisiblement un choix qui puisse remporter non pas l’unanimité – qui n’existe pas – mais, je l’espère, l’adhésion du plus grand nombre. » De fait, les deux créateurs ont relevé haut la main l’une des demandes de l’archevêque, à la commande des projets : s’inspirer, pour le mobilier liturgique, de la « noble simplicité » que revêt la liturgie et proposer des chaises « silencieuses », c’est-à-dire à la fois discrètes et confortables.

Lignes épurées et harmonie

Côté assises, Ionna Vautrin a fait le choix d’une chaise à barreaux « qui vient dialoguer avec l’architecture de la cathédrale, rappelant les colonnes, colonnettes et arches de Notre-Dame », tandis que le chêne massif « fait écho à la forêt qui constitue la charpente de la cathédrale ». Sa faible hauteur de dossier – qui permet au rang derrière de s’en servir comme prie-Dieu – crée une ligne d’horizon assez basse, s’effaçant devant le chœur et l’autel. L’autel, justement, capte tous les regards. En bronze comme toutes les pièces du mobilier liturgique et de mêmes dimensions – au centimètre près – que l’autel détruit par l’incendie, il semble « surgir du sol comme un bloc, comme une pierre de sacrifice qui s’aplanit en table du repas pascal », confie Mgr Laurent Ulrich, qui ajoute : « Il y a une puissance, une clarté dans la ligne de Guillaume Bardet qui m’a touché et s’est imposée. » La silhouette de l’autel fait écho à la forme de coupe choisie pour le baptistère, placé à l’entrée de Notre-Dame dans la perspective du chœur, et qui se distingue par son couvercle en bronze poli miroir, imitant la surface de l’eau, d’où jaillit une croix : « On entre dans Notre-Dame en passant sous le portail du Jugement dernier et on voit ce baptistère qui nous rappelle que nous ne sommes pas d’abord jugés, mais invités à entrer dans le mystère du Christ par le baptême, par cette croix qui surgit de l’eau et rappelle notre Salut, souligne Mgr Ulrich. C’est un signe assez évident pour les croyants, et la possibilité, pour les non-croyants, d’un questionnement, et donc d’une réponse de notre part. »
Chaque pièce du mobilier liturgique, dans une grande cohérence, joue avec le bronze sculpté – plein, massif, foncé – et la luminosité dorée du bronze poli miroir qui apparaît, dans un jeu du caché/montré, tel un fil d’or reliant l’ensemble : les croix sur l’autel, la croix de la cathèdre, le couvercle et l’intérieur du baptistère, la réglette de l’ambon pour retenir le lectionnaire et, bien sûr, l’intérieur du tabernacle. Grâce à un système de charnières, celui-ci s’ouvre tel un livre, sur 180 degrés, offrant aux regards le doré irradiant de ses parois intérieures polies. Oui, à n’en pas douter, un trésor est caché dedans. Le choix du bronze, Guillaume Bardet y a songé lors de la visite des artistes sélectionnés à Notre-Dame, en janvier dernier, en constatant la puissance de la pierre nettoyée : « Le bronze s’est imposé pour pouvoir exister sans hurler, sans “sur-montrer”. » L’artiste vivant à Dieulefit (Drôme) – cela ne s’invente pas ! – nous avait alors confié vouloir trouver dans sa création « ma voix et ma voie, dans les deux sens du terme : mon chemin et mon regard ». Son chemin vers Notre-Dame ne date pas d’hier. Tout commence par une Cène qui ne dit pas son nom. Alors qu’il travaille le bronze, Guillaume Bardet se surprend à modeler des pièces semblant dater de 2 000 ans et illustrant un repas… Lorsqu’il prend conscience qu’il est en train de sculpter le dernier repas du Christ, il s’arrête, ne se sentant pas à la hauteur. Mais après l’écoute d’un podcast sur le philosophe René Girard – et sa pensée du bouc émissaire – il se ravise. En 2017, La Cène – en cire, excepté quelques pièces – est exposée au couvent dominicain de La Tourette (Rhône). En 2019, les éléments de La Cène – désormais en bronze, notamment la table – sont présentés à la galerie Kreo, à Paris. Le vernissage est prévu le 19 avril, et le soir du 15, l’artiste sent l’odeur de l’incendie en sortant de la galerie où il installe les dernières pièces. Il se souvient : « Notre- Dame brûle alors que je présente une Cène, cela m’a semblé très symbolique. Le soir du vernissage, beaucoup me disaient en montrant la table “voilà le futur autel de Notre-Dame”. J’ai ressenti quelque chose de très fort, l’envie de participer, de dessiner ce futur autel. » Un désir qu’il s’apprête à réaliser dans les mois à venir – le mobilier doit être livré à l’automne 2024 – entouré d’une quarantaine d’ouvriers – « chrétiens et non-chrétiens, tous très enthousiastes » – de la fonderie d’art Barthélémy Art, à Crest (Drôme), avec laquelle il travaille. Quant aux assises, c’est à l’entreprise landaise Bosc qu’est confiée la fabrication des 1 500 chaises qui prendront place dans la nef de Notre-Dame. Prochaine étape : la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) à laquelle les projets seront présentés en juillet prochain. Dans le même temps va s’ouvrir une nouvelle phase d’échanges entre l’archevêque et les artistes pour affiner et compléter leurs projets – prie-Dieu pour les premières rangées de chaises, recherche d’une unité plus grande encore pour les éléments du mobilier – avant l’étape, exaltante, de leur construction.

Par Charlotte Reynaud

Le Fonds Cathédrale
poursuit la collecte pour financer le mobilier et les chaises de Notre-Dame. Vous pouvez donner en ligne pour soutenir leur création sur revivre-notre-dame.fr ou bien par chèque « Fonds Cathédrale de Paris - 10 rue du Cloître Notre-Dame, 75004 Paris ».

Voir aussi

 Présentation par Mgr Laurent Ulrich de ses choix pour l’aménagement liturgique de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
 Rencontre avec les membres du comité artistique.
 Rencontre avec Guillaume Bardet, artiste choisi pour le mobilier liturgique de Notre-Dame de Paris.
 Rencontre avec Ionna Vautrin, artiste choisie pour les chaises de Notre-Dame de Paris.

Réouverture de Notre-Dame de Paris

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