Intervention de Maître Jean Castelain - Cycle Droit, Liberté et Foi 2009
Cycle "Droit, bonheur ?"- 21 octobre 2009
Troisième soirée : Le droit au bonheur, la mondialisation et la vie de l’entreprise avec M. Emmanuel Decaux, professeur à l’université de Paris II, vice-président de la CNCDH, M. Xavier de Bayser, président du Comité Médicis, et M. Michel Lemaire, ex-membre du Comité Exécutif de la Société Nexans. Sous la présidence de M. Jean Castelain, bâtonnier désigné.
Le droit au bonheur, la mondialisation et la vie d’entreprise
Maître Jean Castelain
Mes chers confrères, c’est un plaisir pour moi de vous accueillir ce soir au nom de Monsieur le bâtonnier Christian Charrière-Bournazel dans cette maison du barreau, cette maison des avocats de Paris pour la troisième conférence-débat de la douzième édition du cycle des conférences Droit-Liberté et Foi.
Droit, Bonheur. De la matérialité de la norme à l’espérance d’un état, l’interrogation est pour nous interpellation. Le droit est-il le bonheur ? Le droit apporte-t-il le bonheur ? Le droit est-il opposé au bonheur ? Le droit est-il garant du bonheur ? Nous y avons déjà réfléchi lors des deux premières conférences des 7 et 14 octobre dernier. Le praticien du quotidien que je suis ne saurait résumer les contributions du Père Michel Gueguen qui, de l’ancienne Alliance à la nouvelle Alliance, a évoqué le bonheur chrétien dans les textes bibliques ; ni de Monsieur Jean-Luc Marion, de l’Académie française, qui, philosophe, nous a expliqué que seul comptait le désir de béatitudes. Je peux en revanche dire qu’il était préférable pour le professeur FRISON-ROCHE que le droit ne s’occupe pas de notre bonheur sauf à nous faire entrer dans une société totalitaire et que le Bâtonnier Charrière-Bournazel avait en revanche - et peut-être devrait-on s’en inquiéter - démontré le glissement du bonheur de la littérature du XIXe siècle vers les textes normatifs contemporains.
Ce soir nous allons évoquer le droit au bonheur, la mondialisation et la vie de l’entreprise. Il y a quelque chose d’une énumération à la Prévert dans cet intitulé. De l’infiniment grand, la vie du monde, à l’infiniment proche, le labeur quotidien. On imagine les talentueuses joutes oratoires si un tel sujet était proposé à nos Secrétaires de la Conférence(*) qui, forcés de répondre par l’affirmative ou la négative à cette non-question, auraient sûrement indiqué en forme de conclusion provisoire - car le bon discours reste à écrire - qu’ayant aspiré au bonheur et connu l’entreprise mondialisé, l’homme était définitivement borné dans sa nature mais infini dans ses vœux.
Mais ce soir, pas de Secrétaires de la Conférence. Trois orateurs toutefois. D’abord Monsieur Emmanuel Decaux, professeur à l’université de Paris II, vice-président de la Commission Nationale Consultative des droits de l’homme, membre du Comité Consultatif des droits de l’homme des Nations Unies, auteur d’un Traité de Droit International Public publié chez Dalloz et responsable de la publication des actes d’un colloque sur La pauvreté, un défi pour les droits de l’homme publié chez Pedone. Il nous dira si l’on peut trouver la trace du bonheur et où la trouver si elle existe dans les textes internationaux.
Ensuite Monsieur Xavier de Bayser, président du comité Médicis, président de IDEAM Asset Management et inventeur du Fonds d’investissement socialement responsable, nous parlera naturellement de démocratie-actionnariat.
Puis Monsieur Michel Lemaire dont le CV démontre qu’il passe avec talent du public (la Datar) au privé (Chase Manhattan Bank, Saint Gobain, Pont-à-Mousson, PPR, Alcatel, Electrical Wire, Nexans) mais surtout qu’il a exercé des fonctions de DRH au sein de ces entreprises et qu’il a donc dû faire le plus difficile : fermer des sites de production.
Il ne vous étonnera donc pas qu’il ait été séquestré. Heureusement libéré, il évoquera pour nous cette quête si difficile de l’équilibre entre objectif économique et vie sociale.
Enfin, j’aurais le plaisir de donner la parole à Monseigneur Jérôme Beau, Évêque Auxiliaire de Paris, qui clôturera notre soirée et ce cycle de conférences.
Mais avant il y aura un débat, et donc des questions de votre part ; car les questions aujourd’hui sur le sujet de ce soir sont innombrables dans les temps que nous vivons. Quel bonheur peut être le nôtre avec l’information qui nous apporte jour après jour le désespoir de nos voisins ? Jamais sans doute dans son histoire la France n’a été aussi riche qu’aujourd’hui. Les épidémies ont disparu, les guerres se sont éloignées, la paix civile est acquise. Jamais dans le même trait de temps la consommation d’antidépresseurs n’a été aussi importante. Y aurait-il une malédiction à parvenir au bonheur matériel ? À moins que ce bonheur ne soit qu’illusion pour être le regard que l’on porte sur l’objet et non le regard que l’on reçoit de l’autre. L’entreprise est-elle la vie au moment où les salariés mettent fin à leurs jours ? La mondialisation est-elle le cauchemar darwinien du système capitaliste ? Le bonheur est-il encore une idée neuve en Europe ? Je sais que vous aurez tout à l’heure mille questions qui nourriront notre débat. Peut-être essaierons-nous de ne pas y répondre pour que chacun ici reparte, non pas angoissé, mais enrichi du questionnement commun. Mais j’ai déjà trop parlé. Après l’allégresse du propos vient la béatitude de l’écoute et je vais m’y livrer comme vous avec délectation.
Monsieur le professeur, vous avez la parole.