Introduction de Maître Thierry Massis - Cycle Droit, Liberté et Foi 2009
Cycle "Droit, bonheur ?" - 14 octobre 2009
Deuxième soirée : Y a-t-il un droit au bonheur ? Avec Monsieur Jean-Luc Marion et Maître Christian Charrière-Bournazel ; sous la présidence de Maître Thierry Massis, avocat à la Cour, AMCO.
Monseigneur,
Messieurs les Bâtonniers,
Mesdames, Messieurs les Hauts Magistrats,
Mesdames et Messieurs,
Chers confrères,
Chers amis,
Le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel tient à présenter ses excuses auprès de vous-même, Monseigneur, ainsi qu’à vous tous car il est au Brésil dans le cadre du colloque juridique franco-brésilien.
Il m’a chargé de le représenter ; c’est un grand honneur pour moi. Au nom du Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, et en présence de Monseigneur Jérôme Beau, représentant l’Archevêque de Paris, j’ai l’honneur d’ouvrir le 12ème cycle des conférences DROIT, LIBERTÉ ET FOI.
Je remercie tous ceux qui concourent à la réussite de ce cycle : les équipes de l’École de Formation du Barreau et des Bernardins et bien évidemment les conférenciers qui donnent beaucoup de leur temps pour la réussite de cette entreprise.
Voici que pour la deuxième fois, le Droit, Liberté et Foi a lieu, pour les deux premières conférences, au Collège des Bernardins, l’un des vestiges les plus impressionnants de l’architecture cistercienne médiévale à Paris, telle qu’elle se trouve magnifiquement restaurée.
Dans ce lieu qui dépasse nos propres personnes et nous appelle à la réflexion, le Droit, Liberté et Foi trouve sa pleine justification.
Rappelons que le Droit, Liberté et Foi, né en 1992, est un partenariat original entre l’Archevêché et le Barreau de Paris aux fins de réfléchir ensemble sur l’incidence du droit par rapport aux grandes questions de nos sociétés qui se trouvent à l’intersection du droit, de la morale, de la politique et de la foi.
Grâce à votre fidélité et à votre présence de plus en plus nombreuse, le Droit, Liberté et Foi est devenu une véritable institution, créant un véritable espace original de réflexions au sein de notre société.
Le sujet qui a été choisi peut vous paraître étonnant : Bonheur, droit ? Ces deux notions semblent antinomiques et paraissent s’ignorer. La société, idéale, mythique (le mythe de l’âge d’or ou du paradis terrestre), ou prophétique qui prône le bonheur, évolue en dehors du droit. Le bonheur relève de notre propre condition humaine et échappe à la loi. La loi signifie norme, contrainte, exclusive de la recherche du bonheur.
Mais la revendication du bonheur est si forte chez l’Homme qu’elle va trouver une expression juridique au XVIIIe siècle qui marque l’entrée du bonheur dans le champ politique et social : « Le bonheur est une idée neuve en Europe » écrit Saint Just. La déclaration d’indépendance des États-Unis pose que : « Tous les hommes sont nés égaux ; il sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ses droits ».
Le préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme du 26 août 1789 postule que le nouvel ordre des choses doit tendre « au bonheur de tous ».
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 24 juin 1793, énoncée dans son article 1er : « Le but de la Société est le bonheur commun ».
Ces principes fondateurs ayant été posés, le droit au bonheur s’identifie avec la montée des droits de l’Homme et constitue un droit subjectif actuel, un droit de la personne.
Peut-être que le droit au bonheur affleure à la surface tous ces « droits à » de la deuxième génération des droits de l’Homme ; ces fameux droits-créances qui exigent l’intervention de l’État pour être mis en œuvre. Citons pêle-mêle le droit à l’éducation, à la santé, à l’environnement, à la vie privée, à l’enfant, au bien-être, c’est-à-dire tout ce qui donne à l’Homme les moyens de son épanouissement.
La question des rapports du droit et du bonheur est posée. Elle mérite d’être approfondie.
Cette réflexion des rapports du droit et du bonheur ne peut faire l’impasse sur le monde économique. Si la justice a toujours éprouvé beaucoup de mal à définir le droit au bonheur, les économistes sont beaucoup plus avancés et préconisent un nouveau mode de calcul des richesses qui mettent l’accent davantage sur la mesure du bien être de la population, plutôt que sur celle de la production économique (rapport Stiglitz). La troisième conférence s’intéressera à ce volet si important des rapports de la vie économique et du bonheur.
Au-delà de la réflexion juridique et économique, une réflexion sur le bonheur nous pose la question de l’existence humaine. Pour quoi l’être humain est-il fait ? Pour quel bonheur ? Aristote nous enseignait déjà que le bonheur est la fin de l’Homme, ce qu’il est ordonné par nature à être de manière complète. Mais cet accomplissement va au-delà de son propre plaisir personnel et demande une forme de vie qui consiste à servir le bien commun.
Ici, la Révélation Biblique, du Décalogue aux Béatitudes, mérite d’être interrogée car elle saisit l’homme dans son mystère, propose aux hommes le don d’une espérance sans mesure et une nouvelle logique de l’Humanité fondée sur l’amour de l’autre.
Que dit le droit sur le bonheur ? Le bonheur peut-il être garanti au titre d’un droit fondamental par la société ? Quel est l’apport de la sagesse biblique dans la revendication légitime du bonheur que l’on voit s’exprimer ? Que dit le droit au bonheur par rapport à la crise économique et à la crise des valeurs que nous traversons ?
Pour mener cette réflexion, trois conférences-débats :
– I – LE BONHEUR ET LE DROIT, quelle problématique ?
– II – Y A T-IL UN DROIT AU BONHEUR ?
– III – LE DROIT AU BONHEUR, LA MONDIALISATION ET LA VIE DE L’ENTREPRISE.